C'est devant un parterre impressionnant de mélomanes et d'amis que cette soirée-hommage a été étrennée par la traditionnelle zorna. Après quelques minutes d'attente dues au mauvais fonctionnement du micro, l'animatrice vante les mérites de Boudjemâa El Ankis, cet artiste à la voix inimitable et divulgue les noms des artistes qui se succéderont sur scène. Une palette alléchante qui a ravi plus d'un. L'heure est sous le signe du ravissement. Le rideau se lève avec, en arrière-fond, un écran géant montrant des images du maître au cours de ces dernières années. Ses portraits défileront, d'ailleurs, tout au long de la soirée. La chorale polyphonique Naghem prend place pour exécuter trois morceaux choisis dont Koum Tara, Ya tir el khafess et Rah el rayeb. Le premier chanteur à « envahir » la scène est Mokhtar, le fils aîné d'El Ankis. Avant d'interpréter sa partition chaâbi, Mokhtar Boudjemâa souhaite un prompt rétablissement à son père, à Guerrouabi, à Amar Ezzahi... Et au président de la République algérienne, Abdelaziz Bouteflika. Guitare en main, il reprend deux couplets d'une chansonnette du répertoire de son paternel, et ce, à l'occasion du 11 Décembre 1961. Khayef Min El Allah, Min Bard el Tzoul et Idha Thallet El Amar sont les titres repris par cet autodidacte. Après une absence remarquée sur la scène artistique Youcef Toutah est revenu l'espace d'une soirée pour rendre hommage à son idole. « C'est un honneur d'être là ce soir, pour Boudjemâa El Ankis. J'espère qu'on passera une bonne soirée ensemble. » S'adressant au Cheikh assis au balcon, il lui lance : « Te rappelles-tu, tu m'avais laissé chanter cette chanson à El Biar en 1964. » Le maître esquisse un sourire très complice. D'une voix prenante, Youcef Toutah entonnera entre autres Chaki Baki et El Ayem Zahia. A l'aise dans sa peau Didine Kharoum, ce fervent élève de l'école El Ankaouia, enflammera l'assistance avec des tubes invitant aux déhanchements dont Rayha ouin et Marli beb abeweb El Allah meftouha. Changement de style musical avec le passage sur scène du chanteur de variétés Omar Mâmache. S'emparant du micro, l'artiste investira la scène pour interpréter entre autres Ana el riziyel et Anti nawya termini. Ce dernier a réussi à déstabiliser certains dans des mouvements de danse très entraînants avec de surcroît des youyous bien mesurés. Le clou de la soirée aura été sans aucun doute la magistrale prestation de Hakim Boudjemâa, un autre fils d'El Ankis, qui a subjugué l'assistance. Ressemblant comme deux gouttes d'eau à son père, Hakim reprendra avec une voix divine Amana Amana Aâla El Zamen, Chaourou Aliya et Ahli minhou libek ya ellil. Alors que tout le monde espérait entendre El Ankis chanter ne serait-ce qu'une chansonnette, l'animatrice lui demande de rejoindre la scène. Un représentant du ministère lui remettra un bouquet de fleurs et une somme d'argent. Très ému et très fatigué par le poids de son âge78 ans, il remerciera le public pour cette chaleureuse soirée avant de se lancer dans d'interminables embrassades avec ses amis ou encore des anonymes. En aparté, Boudjemâa El Ankis nous confiera qu' « il se considère comme le doyen des maîtres après Khelifi Ahmed ». Faisant allusion à la nouvelle vague de chanteurs châabi qui a tendance à déformer certains textes, le maître insistera sur le respect et l'originalité du châabi. « Il ne faut pas voir le côté lucratif de la chose mais plutôt se pencher sur la passion. Je suis prêt à transmettre mon savoir aux nouvelles générations. Pour cela, il suffit de faire appel à mes compétences », dit-il sur un ton frisant la tristesse.