Beaucoup de Chélifiens ne connaissent de Sidi Laroussi que le cimetière qui s'y trouve et que longe le tronçon de la route nationale Alger-Oran. . Pourtant, en contrebas de cet axe routier et dudit cimetière, est niché un ancien village agricole dont les habitants demeurent installés sur les lieux malgré la décennie noire et les conditions de vie difficiles. Erigé au début de l'année 1970, ce village abrite pas moins de 100 familles composées d'anciens bénéficiaires de cet espace et de villageois venus de douars limitrophes Même lors des enterrements, on ne peut l'apercevoir tant il est noyé par des arbres et autres plantations. Limité à l'ouest par un oued, l'endroit est situé non loin de la zone industrielle, de la cimenterie d'Oued Sly et à quelques encablures du chef-lieu de wilaya dont il relève administrativement. Pour s'y rendre, il faut emprunter une piste difficilement accessible qui passe au milieu du cimetière. Celle-ci a pu être aménagée grâce, nous dit-on, à une action bénévole menée par un entrepreneur privé. Au bout de 500 m de marche, on découvre de modestes habitations dont la toiture est entièrement recouverte de plaques d'éternit. Elles respirent, pour la plupart, la misère et l'abandon, sans les conditions élémentaires d'une vie décente. L'unique chemin passant au milieu de la cité est bosselé par endroits et n'a jamais fait l'objet de revêtement à l'instar des autres ruelles. Il devient quasiment impraticable en hiver en raison de sa proximité d'un oued. « A chaque précipitation importante, le village est totalement inondé et on patauge dans la boue, ce qui rend tout déplacement impossible », indique un groupe d'habitants. « La commune voisine d'Oued Sly a consenti à la construction d'un pont sur l'oued en question, mais elle ne veut pas aller au-delà, considérant que la réalisation du tronçon desservant notre douar, de moins de 100 m, revient à l'APC de Chlef, à laquelle est rattachée notre localité », ajoutent-ils. Des habitants abandonnés à leur triste sort Des enfants jouent pieds nus dehors pendant que des pères de famille et des jeunes rasent les murs et nous observent avec une certaine curiosité. La rancœur se libère à la première interrogation. « Jusqu'à présent, aucun responsable n'a franchi l'entrée du village pour s'enquérir du sort dramatique de ces familles qui ont payé un lourd tribut au terrorisme. Mon frère, un militaire, a été décapité par les hordes sauvages. Les autorités ou élus ne se rappellent de nous que lors des élections... », nous dira un villageois profondément dépité par la situation catastrophique que vit leur douar. « Nous manquons de tout : eau, éclairage public, transport, réseau d'assainissement, école et centre de santé. Nous avons alerté, à plusieurs reprises, les autorités locales sur notre cas, mais toutes nos doléances sont restées lettre morte. A croire que nous n'existons pas pour ces décideurs... », souligne de son côté un sexagénaire, usé par le temps et les vicissitudes de la vie dans ce refuge oublié. Le chômage frappe de plein fouet la région qui abrite pourtant des exploitations agricoles et une zone industrielle comprenant des unités de production appartenant aux secteurs public et privé. Seuls quelques habitants y sont employés en tant qu'anciens travailleurs. Le recrutement ici, d'après les habitants, est limité à sa plus simple expression et l'on est obligé d'aller chercher ailleurs un moyen de survie qui n'est pas souvent assuré. Les chefs de famille se débrouillent comme ils peuvent pour nourrir leurs enfants. « La formation ne sert plus à quelque chose, puisque nombre de diplômés de l'université ou des centres de formation professionnelle, sont au chômage », soulignent avec amertume certains d'entre eux. Et les projets d'Ansej ? La réponse est tout aussi terrible. « Nous en demandons depuis des années, mais toutes nos démarches sont restées vaines. Cela aurait pu au moins nous permettre de disposer de nos propres moyens de transport », affirment des adolescents au chômage rencontrés sur les lieux. Huit enfants tués dans des accidents Il est vrai que dans ce domaine, la situation est des plus catastrophiques, en ce sens que les enfants doivent parcourir plusieurs kilomètres à pied pour se rendre à l'école la plus proche. Ils sont contraints quotidiennement de traverser un axe routier très fréquenté qui a fait huit victimes parmi les écoliers. « Un établissement était programmé à la limite d'une exploitation agricole, mais le propriétaire en a refusé l'implantation », nous apprend un citoyen qui nous montre le lieu du projet. Pour toutes ces raisons, nombre d'entre eux ont dû abandonner l'école ou ne s'y sont jamais inscrits, comme nous l'ont signalé des parents d'élèves. Le problème est également vécu par les élèves du moyen et du secondaire qui sont obligés, eux aussi, de se déplacer jusqu'à la localité de Chorfa, dans la commune de Chlef, pour étudier. Les adultes, eux, doivent faire du stop ou attendre le passage des bus de la commune d'Oued Sly pour se rendre à Chlef, distante de cinq kilomètres. Faute de réseau d'assainissement, les habitants ont recours à des fosses septiques et à des objets hétéroclites pour évacuer les eaux usées, non sans conséquences sur leur santé. L'absence d'avaloirs facilite aussi la stagnation des eaux, surtout en période hivernale où la cité est inondée par l'oued longeant le site. L'eau destinée à l'alimentation de la population est, quant à elle, inexistante dans les robinets, et les gens sont obligés d'aller la chercher ailleurs, notamment au niveau de la station-service située non loin de leur hameau. Le point d'eau s'y trouvant est ainsi constamment assailli par des jeunes en quête du précieux liquide. La nuit, on n'ose pas sortir dehors car l'éclairage public fait cruellement défaut, plongeant le village dans l'obscurité totale. A mesure que nous progressons dans la partie sud de cette zone, nous découvrons d'autres habitations en parpaings construites en amont de l'Oued Sidi Laroussi qui sert de frontière entre la commune de Chlef et celle d'Oued Sly. Là aussi, des familles sont livrées à elles-mêmes dans l'indifférence générale, malgré le danger qui les guette à chaque inondation. « Nos demeures ont été envahies par les eaux lors des inondations du 26 septembre 2005, mais rien n'a été fait pour remédier à notre situation alarmante », indiquent certains occupants ayant fui le terrorisme.