Il aurait eu 61 ans. Le grand dramaturge Mohia est bien vivant à l'occasion de la 7e édition du Festival du théâtre amateur amazigh qui se tient, du 19 au 23 août, à Akbou (Béjaïa). Il y avait en lui un talent qui inspire aujourd'hui beaucoup d'artistes du quatrième art, qui lui rendent un émouvant hommage. Abdallah Mohia, alias Mohand U Yahia, (1950-2004), écrivain, poète et grand dramaturge algérien d'expression amazighe reste surtout associé au théâtre de l'absurde, dont le monologue Urgagh Mutagh ((j'ai cauchemardé d'avoir trépassé), est l'une des plus célèbres illustrations. Un one man show noir, produit dans les années 1980, sorti de l'oubli, il y a deux ans, par le Théâtre régional de Béjaïa (TRB). Ce spectacle a été joué en ouverture de ce festival, vendredi dernier, à Akbou. Un court one man show voluptueux et noir à la fois. C'est l'histoire d'un homme qui a fait un cauchemar : avoir été tué par une voiture sur la route. Alors que sa dépouille est en pleine décomposition, elle sera attaquée par une nuée de mouches. Le personnage magistralement campé par Samy Allam voit ainsi défiler les images souvenir de toute une vie pleine d'innocence : une douce enfance, une fiévreuse jeunesse, de perpétuelles déceptions amoureuses... Mohia a conçu un personnage étranger au monde qui l'entoure, marginal, innocent et drôle à la fois. Nous sommes bel et bien dans le registre de l'absurde. De la totale dérision. L'humour est omniprésent. Le tout servi dans un style de plus en plus lapidaire, concis et sec. Un spectacle inventif, plein de sens et toujours drôle. Le récit s'appuie sur des situations ubuesques pour déclencher des rires cinglants. Le public a fortement réagi à la prestation de Sami Allam qui n'a cessé de le tacler avec beaucoup de bonne humeur contagieuse : Il sait tout faire. Par exemple, imiter le bruit d'une mouche qui attaque sa dépouille, camper le rôle du confident des âmes mortes, inventer la danse du déambulateur... Un grand poète Il est toujours drôle. Ce spectacle est une incursion dans la vie après la mort. Humour, décalages, glissements de sens, gags et bons mots, confèrent au spectacle une force lyrique, où les situations sont toujours bien prêtes à tourner en dérision. Le texte dramaturgique est écrit avec une plume distante, sobre, pudique, pour dire les drames qui couvent sous la comédie des apparences. Avec, parfois, des éclats de rire et des coups de fleuret où l'humour sert de parure à l'absurde. Le spectacle possède une tonalité douce-amère et une sorte d'innocence troublante, un charme assez entêtant liant le théâtre de l'absurde à la veine kafkaïenne. C'est une perpétuelle invite à la réflexion et nous sommes résolument bien dans l'universel. La poésie rajoutée de Ahcène Mariche a été supprimée dans cette version jouée à Akbou. La scénographie se veut minimaliste pour ne pas encombrer le spectacle. L'intelligence du récit de Mohia suffit. Hassiba Dahmoune Allam a signé la mise en scène qui se veut sobre. La scénographie est l'œuvre de Abdelmalek Yahia, qui a conçu un décor fait d'un défilé de tableaux à espaces géographiques multiples. Le spectacle est accompagné d'une musique magnifique et subtile à la fois, signée Belaïd Branis. Il est enfin à signaler que l'association Etoile culturelle d'Akbou ,organisatrice de ce festival en collaboration avec l'APC locale, la direction de la culture et le TRB a programmé une quinzaine de spectacles dans les villages d'Ighram, Chellata et Amalou.