Ariel Sharon, Premier ministre israélien, auteur avec son unité 101 du massacre de 69 Palestiniens en 1953 dans le village de Qibiya, en Cisjordanie, planificateur du massacre de milliers de Palestiniens et de Libanais aux camps de Sabra et de Chatila, à Beyrouth, lors de son occupation par l'armée israélienne, en 1982, père spirituel des colons juifs, bâtisseur du mur de séparation raciste en Cisjordanie, le bulldozer a été hospitalisé en urgence, mercredi soir, à l'hôpital Hadassah, à Jérusalem Ouest, où il a subi une intervention chirurgicale de plus de sept heures, pour hémorragie cérébrale aiguë et diffuse. Agé de 77 ans, l'homme fort d'Israël, qui ne pourra certainement plus reprendre ses activités politiques, est actuellement entre la vie et la mort. « Le Premier ministre lutte pour sa vie », a dit le ministre israélien des Transports, Méir Cheetritt, après une réunion d'urgence du gouvernement durant laquelle le vice-Premier ministre, Ehud Olmert, très proche de Sharon, a officiellement pris ses fonctions de chef du gouvernement par intérim. Ariel Sharon a été placé dans un « coma profond sous respiration artificielle pour au moins 24 heures afin de maintenir une faible pression dans la boîte crânienne », selon le directeur de l'hôpital Hadassah, Shlomo Mor Yossef. Dans la soirée de jeudi, le professeur Mor Yossef a exprimé l'espoir que « la stabilisation constatée de l'état de Sharon pourrait être le début d'une amélioration ». « Sa situation est stable, tous les paramètres donnent des indications dans les normes attendues », a-t-il dit en jugeant « prématuré de faire des pronostics sur l'issue du traitement ». Il faudra entre 48 et 72h pour permettre au cerveau de M. Sharon de « récupérer ». Selon lui, « l'évaluation de l'amélioration ne pourra se faire que lorsque le Premier ministre sortira de manière graduelle et contrôlée du coma où il a été placé. C'est un long processus ». Félix Umansky, chef de l'équipe de neurochirurgiens qui l'a opéré, a indiqué qu'un pronostic sur son état pourrait être fait « en milieu ou fin de semaine prochaine ». Le 18 décembre, Sharon avait subi une attaque cérébrale « légère » provoquée par un caillot de sang venant du cœur. Depuis, il était traité avec des anticoagulants pour éviter une nouvelle attaque et devait subir jeudi un cathétérisme cardiaque. Ayant été à l'origine du déclenchement de l'Intifadha d'El Aqsa en septembre 2000, par sa visite provocatrice de l'Esplanade des Mosquées, dans la ville sainte, Sharon, qui domine sans rival sérieux la vie politique en Israël, a toujours incarné, pour les Palestiniens, l'image répressive du sionisme israélien. Adepte de la politique du fait accompli, ne s'étant pas suffi de plus de 4000 morts et des dizaines de milliers de blessés parmi les Palestiniens durant l'actuelle Intifadha, Sharon, auteur du retrait unilatéral de la bande de Ghaza, a réussi à faire admettre à la communauté internationale que les Palestiniens n'étaient pas des partenaires valables dans la recherche négociée du conflit. Alors, il ne lui restait plus qu'à décider, seul, des détails du règlement de la cause palestinienne. Aucune tristesse chez les paléstiniens Il a ainsi quitté son parti, le Likoud, qu'il a lui même créé en 1977, dont une partie de ses membres était opposée à tout retrait des territoires palestiniens, pour créer un autre, Kadima, qui incarne cette vision. Avec ce nouveau parti qu'il s'est taillé sur mesure, il visait la majorité au Parlement israélien lors des prochaines élections anticipées, le 28 mars prochain, ce qui aurait pu lui permettre de concrétiser sur le terrain un règlement unilatéral du conflit. Très populaire en Israël, il a réussi à faire de Kadima le numéro un aux sondages, devançant, de loin, les deux principaux partis israéliens, le Likoud et le Parti travailliste. Sharon envisageait d'annexer à Israël une large partie de la Cisjordanie, de garder les blocs de colonies juives, de maintenir la ville sainte d'El Qods dans les limites de la capitale israélienne, d'interdire une fois pour toutes le retour des réfugiés palestiniens dans leurs foyers et leurs terres. Quant aux Palestiniens, ils devaient se contenter du reste, ce qui est loin d'assouvir leurs aspirations nationales. Seule la maladie a réussi à stopper ce scénario cauchemardesque. Dans la rue palestinienne, les gens sont loin d'être tristes pour celui qu'ils considèrent comme leur bourreau.