La France semble s'orienter vers une immigration « choisie », voire « sélective » et de travail de haut niveau, abandonnant sa traditionnelle politique de regroupement familial. A la mi-février, le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, doit présenter en Conseil des ministres un projet de réforme du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Dans une note du 23 septembre 2005, son directeur de cabinet, Claude Guéant, avait fixé quatre objectifs prioritaires à ses services : renforcer la capacité du gouvernement, sous contrôle du Parlement, à fixer des objectifs quantitatifs d'immigration ; mieux maîtriser l'immigration familiale ; promouvoir une immigration choisie d'étudiants et d'actifs ; lutter contre les détournements de procédures, s'agissant notamment des étrangers malades. A l'issue du Comité interministériel de contrôle de l'immigration du 19 novembre, le Premier ministre, Dominique de Villepin, avait lui aussi déclaré : « Je veux que notre politique de l'immigration soit une politique globale, une politique choisie : c'est la condition même de son efficacité », et promis un renforcement du contrôle de l'immigration. De son côté, le président Chirac avait déclaré, lors des vœux du gouvernement, mardi 3 janvier, qu'il attachait « la plus grande importance au renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière (...), notamment en matière de regroupement familial. C'est essentiel pour notre modèle d'intégration ». Si le projet de loi du ministre de l'Intérieur favorise « l'immigration choisie » de travail, il supprime ou restreint de manière drastique les dispositifs qui fondaient jusque-là la politique d'immigration : une longue ancienneté de présence en France ou des attaches personnelles et familiales fortes. Les critères du regroupement familial sont réévalués à la hausse en termes de ressources, de logement et de délais requis de séjour sur le territoire français. La nouvelle version supprime la carte de résident de dix ans jusque-là délivrée de plein droit aux étrangers mariés depuis au moins deux ans avec un ressortissant de nationalité française, ou aux étrangers en situation régulière depuis plus de dix ans. Par ailleurs,un étranger en situation irrégulière ne pourrait plus être régularisé après dix années de résidence en France, comme c'était le cas depuis 1984. La régularisation, introduite en 1998 par la loi Réséda, sur le fondement de la « vie privée et familiale » serait désormais très encadrée : l'étranger devrait dorénavant apporter la preuve de liens personnels et familiaux « stables et intenses, depuis au moins cinq ans » ; il devrait également justifier d'« un logement dont la localisation, la superficie, le confort et l'habitabilité permettent son insertion et, le cas échéant, celle de sa famille dans la société française, compte tenu du nombre et de l'âge de ses enfants », ainsi que de ressources « stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins (...), au moins égales au smic mensuel (...), indépendamment des prestations sociales et allocations familiales ».La disposition prévoyant la délivrance d'une carte de séjour « à l'étranger résidant en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale » serait abrogée. Les étrangers malades devraient justifier d'une présence en France « d'au moins un an » et que leur « état de santé nécessite des soins dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital, sous réserve qu'ils ne puissent bénéficier, en raison de l'absence des moyens sanitaires adéquats, d'un traitement approprié à leur état dans le pays dont ils sont originaires ou dans tout autre pays dans lequel ils sont légalement admissibles ». Les conditions d'admission au séjour des étrangers entrés en France mineurs seraient également durcies. La « condition d'intégration républicaine », introduite en 2003 pour certains bénéficiaires de la carte de résident, est érigée en condition d'attribution d'une carte de séjour, temporaire ou permanente. Les conjoints de Français, notamment, jusqu'ici appelés à obtenir de plein droit une carte de résident, pourraient se la voir refuser s'ils ne répondent pas à cette exigence. De la nationalité française L'article 21-2 du code civil, dans sa nouvelle version, est ainsi proposé : « L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de 4 ans (dans la loi en vigueur 2 ans) à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration, à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. Le délai de la communauté de vie est porté à 5 ans (3 ans actuellement) lorsque l'étranger, au moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins 3 ans (au lieu de 1 an) en France à compter du mariage. »