Derrière les mots, la réalité. Le Premier ministre français et son ministre de l'Intérieur se réfugient dans des plans de communication pour faire passer leur projet de loi sur l'immigration. La logique de l'immigration choisie et non plus subie « porte un nom » : c'est la politique des quotas, malgré les démentis officiels. Le projet de loi devrait être présenté au Conseil des ministres à la mi-mars, puis à l'Assemblée, pour adoption avant l'été. En présentant l'avant-projet de loi sur l'immigration, dont il dispute la paternité à Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, Dominique de Villeppin a fait attention à ne pas mentionner le mot quota. Pourtant, le principe est bien là, à chaque ligne. Objectif affiché : passer « d'une immigration subie à une immigration choisie ». « L'immigration peut avoir des effets bénéfiques pour notre économie si elle correspond à ses besoins, or notre pays a surtout besoin de salariés moyennement ou hautement qualifiés », précise le Premier ministre. Le nouveau dispositif est à la fois sélectif et contraignant. Les sans-papiers sont de nouveau les plus sanctionnés, précarisés. La délivrance automatique d'un titre de séjour aux étrangers vivant en France depuis dix ans est abrogée. La régularisation concernait moins de 2 500 personnes par an. « Les régularisations resteront possibles mais se feront au cas par cas. » Sans autre précision. Les mariages mixtes seront plus strictement encadrés. Pour obtenir une carte de séjour temporaire, les conjoints de Français devront justifier d'un visa long séjour de plus de trois mois. Ils devront aussi attendre trois ans et non plus deux pour demander une carte de résident, après avoir justifié de leur « intégration républicaine » dans la société française. La durée de communauté de vie leur permettant de demander la nationalité française passerait de deux à quatre ans si leur couple réside en France et de trois à cinq ans si leur couple réside à l'étranger. Le regroupement familial, cible principale, est conditionné selon les ressources et le logement dont dispose le demandeur. Le projet allonge à dix-huit mois, contre douze actuellement, le délai de séjour en France requis pour en faire la demande. Le tour de vis continue. L'administration pourrait désormais assortir sa décision de refus ou de retrait d'un titre de séjour d'une « obligation à quitter le territoire français ». L'étranger n'aura alors plus que quinze jours, contre un mois actuellement, à compter de la notification de la décision de l'administration, pour déposer un recours, suspensif, devant le tribunal administratif. On veut les meilleurs Dans le volet sélectif, le projet de loi veut la crème des chercheurs et des étudiants étrangers. Les meilleurs. Le projet de loi crée un nouveau titre de séjour « compétences et talents », d'une durée de trois ans, renouvelable. Cette carte sera délivrée à l'étranger « susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement de l'économie française ou du pays dont il a la nationalité ». Le dispositif concerne les scientifiques, les intellectuels, les créateurs d'entreprise, les artistes, les sportifs de haut niveau, les cadres à haut potentiel. Les étudiants seront soumis à une sélection multicritères, filière, nationalité, niveau d'études... Les « élus » bénéficieront d'une carte de séjour d'un an, ou d'une durée pouvant aller jusqu'à quatre ans s'ils s'engagent dans un cycle pour obtenir le mastère. Une fois le diplôme en poche, ils pourront obtenir un titre de séjour de six mois pour recherche et occupation d'un emploi. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), constate que « cette politique vise à créer les conditions d'une déstabilisation des étrangers résidant en France afin de préparer la venue d'une main-d'œuvre " choisie " pour répondre aux appétits égoïstes et des besoins du patronat. Seul l'étranger perçu comme étant économiquement rentable pourra alors obtenir un droit au séjour ». En revendiquant une immigration « choisie » contre une immigration « subie », le gouvernement participe à la culpabilisation racisante. En effet, le gouvernement prend ici le risque de présenter « les étrangers comme étant une charge insupportable et inutile », poursuit le Mrap. Pour Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste, « dans la mesure où il ne prévoit pas de partenariat avec les pays tiers, le concept d'immigration choisie reste une machine à fabriquer de l'immigration irrégulière. C'est un aveu d'impuissance de la part du gouvernement ».