La chute de l'ancien régime irakien n'a pas donné naissance à un autre. Le premier était autoritaire et était caractérisé par l'hégémonie d'une communauté - la plus faible du point de vue démographique - sur toutes les autres, mais celui qui est appelé à lui succéder, du moins sur le papier, comporte des risques pour le pays. Il ne s'agit pas de choisir entre l'un et l'autre, mais trouver la voie la moins périlleuse pour l'Irak, à moins que le pas ait été franchi. C'est le fameux rapport consensus-démocratie, il est vrai porteur de contradictions, recherché par les hommes politiques irakiens de tous bords, mais qui se trouve récusé par le plus puissant leader chiite d'Irak en affirmant que le prochain gouvernement devait refléter le rapport des forces né des législatives du 15 décembre, en contradiction avec l'idée d'un cabinet d'union nationale formé sur une base consensuelle. « Le consensus signifie la fin de la démocratie, du pouvoir de la majorité et des élections », a déclaré le chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), Abdel Aziz Hakim au quotidien Al Sabah d'hier. M. Hakim, dirigeant la liste de l'Alliance irakienne unifiée (AIU, chiite conservatrice), donnée gagnante des législatives, a plaidé en revanche pour un gouvernement de participation. « Nous pensons qu'il y a des composantes du peuple irakien qui doivent participer, en ce moment, à la planification et à la réalisation de la politique générale du pays », a-t-il dit. Le leader chiite a défendu l'existence d'une « véritable opposition pour parachever la structuration d'un système démocratique. » Ces propos s'inscrivent dans la suite de ceux tenus vendredi par un religieux membre du CSRII, qui avait appelé à respecter le rapport des forces né des législatives dans la formation du nouvel exécutif. « Le prochain régime doit respecter le verdict des urnes, ce qui permettra à tous de vivre dans l'égalité, et si cela n'est pas pris en compte, le pays connaîtra une grave crise », a prévenu Sadreddine Al Koubbanji. Au demeurant, la question telle que soulevée est juste, mais ramenée au contexte irakien, elle révèle ce qui constitue des évidences, comme le grand retour des chiites exclus du pouvoir depuis des décennies. Ces derniers le revendiquent se basant pour cela sur la seule force démographique. Et d'ailleurs, leur électorat, parfaitement discipliné, le leur a bien rendu, par un vote communautaire massif.Ces prises de position tranchent avec les appels pour la formation sur une base consensuelle d'un gouvernement d'union nationale, incluant toutes les composantes irakiennes, y compris les partis sunnites. Les résultats définitifs des élections sont attendus dans les prochains jours, après un rapport de la mission internationale d'experts étrangers. « La mission internationale va publier lundi après-midi ses conclusions sur les élections. Nous allons ensuite nous-mêmes rendre publics nos rapports sur les fraudes et sur les résultats », a annoncé Abdel Hussein Al Hindaoui, membre de la Commission électorale irakienne. « On va annuler certains résultats de centres électoraux, environ 150 à 200 urnes », a ajouté M. Hindaoui, précisant toutefois que « les changements toucheront peut-être un siège » et qu'« il n'y aura pas de nouvelles élections ». Ce qui tend à confirmer les résultats avancés jusque-là de source partisane, donnant en tête les listes chiites suivies par les partis kurdes. Les sunnites qui avaient accepté de jouer cette fois le jeu électoral sont loin derrière, mais avec l'espoir ou la garantie que le fondement constitutionnel sera revu. Cette intrusion devrait donc marquer la fin des tractations en cours actuellement, pour consacrer cette fameuse règle de la majorité. Ce qui consacrerait une certaine décantation et une meilleure visibilité du champ politique. Reste maintenant à connaître les réactions des chefs kurdes et sunnites, et ce que apportera une telle solution - la règle dans les démocraties - au pays.