En un mot, il en est qui le vivent plus ou moins pleinement et les autres, tous les autres, qui le subissent plus ou moins totalement. A Guelma, petite ville du pays profond, parler de vacances à certains passerait carrément pour un blasphème. Car qui dit vacances, dit argent, et c'est ce fonds qui manque le plus. Vrai, certains peuvent se permettre de belles vacances et n'hésitent pas à les prendre intra ou extra frontières, mais combien sont-ils ? En revanche, pour beaucoup, surtout pour les chômeurs, reste la flemme, le farniente, un farniente forcé, une oisiveté incommensurable, un ennui terrible chauffé à blanc par un soleil ardent et déchaîné et humecté de sueur. Depuis quelques années, en matière de taux d'humidité, Guelma n'a rien à envier aux villes côtières. De fait, avec les barrages qui l'entourent, celui de Bouhamdane, celui de Aïn Dalia, et bien d'autres encore, cette région a vu depuis son microclimat changer du tout au tout. Plan bleu Chaleur, humidité, sueur, tout ce qu'il faut pour passer un été... d'enfer. La mer étant à une soixantaine de kilomètres de Guelma, on peut aller piquer un plongeon, mais dans quelles conditions ? Donc, reste le rêve d'effluves et d'embruns, car même les voyages et autres excursions pour les plages, bien que fréquemment organisés, avouons-le, ne sont pas tellement prisés. Mariage avec tapage. A peine si certaines gens sortent durant la matinée. N'étaient les commissions qu'il faut effectuer aux différents marchés ou le lieu de travail qu'il faut regagner, personne ne s'aventurerait dans cette chaleur matinale. Après le déjeuner, la sieste terrasse beaucoup de gens. La ville devient déserte. Même les bêtes se terrent. Il fait tellement chaud, qu'il devient autant dire sacrilège de faire sortir... un chien. Credo carrousel En fin d'après-midi, la ville trépide peu à peu de vie. On fuit la maison, qui se transforme en chaudière, la chaleur y étant emmagasinée durant toute la journée. Alors, des îlots de bigarrures se forment à travers la ville, dont le plus gros se trouve au boulevard Souidani Boudjemaâ. La circulation y devient intense, voire impossible, aussi bien pour les piétons que pour les automobilistes. Dans ce boulevard, on peut compter aisément le nombre de fêtes de mariage ayant lieu chaque jour à Guelma, car les cortèges nuptiaux l'empruntent forcément, comme un passage obligé, suivant un rituel dans lequel la superstition et/ou le snobisme prennent une bonne part. Et vas-y que je te pousse, qui klaxonne le plus ou le plus longtemps que l'autre ! (Il ne faut pas oublier les terribles coups de klaxon de...1h ou 2h !) Des carrousels de voitures se suivent sans discontinuer ! Ce qui fait dire à certains qu'à Guelma, on ne prend pas de vacances, on ne fait pas de voyages, on se marie, on se remarie, on célèbre les mariages ! Une déchéance périlleuse. A la nuit tombante, après dîner, c'est la ruée des gens dans les rues en quête de fraîcheur nocturne. Ce beau monde prend l'air frais sur une esplanade contiguë au siège de la sûreté ou à Makam Echahid. Les quelques chaises de certaines cafétérias sont occupées, les gens, dont certains en famille, se laissent choir sur n'importe quoi, sur la bordure du trottoir, à même le sol, les herbes desséchées, la rocaille, les détritus... Du bourek préparé dans des conditions douteuses, dans des ustensiles douteux, ne rebute aucunement certains, ainsi que des épis de maïs grillés et plongés dans une eau salée et non moins suspecte... En bas de certains immeubles, sur des terrains vagues tout aussi couverts d'ordures, des groupes de femmes, d'hommes et des familles n'y prennent pas évidemment que l'air frais ! Pratiquement, pas ou peu de coins propres et dignes de gens qui se respectent, pas un lieu de loisirs pour les enfants, qui ainsi sont livrés à eux-mêmes, dont certains veillent en vadrouillant et en s'adonnant parfois à des jeux dangereux. A croire qu'ils n'ont pas de parents ! Dans la chaleur de la nuit Parfois, même si l'infrastructure existe, il n'y a pas de savoir-faire pour mettre à l'aise les consommateurs, comme si on voulait leur argent sans pour autant leur donner la contrepartie ! Une déchéance, une désolation terrible, à faire vider les glandes lacrymales conscientes et sensibles ! Mais au fond, ne dit-on pas qui sème bien... Même tard dans la nuit, des groupes de gens, des jeunes et des moins jeunes, en short ou en gandoura, en tee-shirt et même torse nu, sont assis par-ci par-là, sur le pas des portes, dans un coin sombre, sur la terrasse de certains cafés encore ouverts, autour d'une tablette de cigarettes, humant de la poussière et même pour certains s'y vautrant...