Une marche a été organisée à Paris pour appeler l'Etat français à reconnaître sa responsabilité dans ce «crime d'Etat». Les organisateurs entendent lutter contre l'amnésie. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, exclut toute excuse officielle. Paris. De notre correspondant Près de 5000 personnes se sont donné rendez-vous devant le cinéma Le Grand Rex pour marcher jusqu'à Saint-Michel où beaucoup d'Algériens ont été tués lors de la marche pacifique organisée par le FLN le 17 octobre 1961. Des hommes politiques, comme le sénateur socialiste David Assouline ou encore Jean-Luc Mélenchon du Front de gauche, ont pris la tête du cortège. «Il es temps que l'Etat reconnaisse ce crime et que sa position ne soit plus celle du communiqué officiel de l'époque», affirme le sénateur, auteur avec Mehdi Lallaoui d'un livre sur l'immigration. «C'est la première fois qu'autant de personnes se déplacent pour la commémoration de cet événement. On se sent moins seuls, peut-être que la société française est enfin prête à regarder son passé colonial. La France ordonne à la Turquie de reconnaître sa responsabilité dans le génocide arménien, mais se garde bien de faire de même pour les massacres en Algérie, au Cameroun et à Madagascar», relève Zouhir Aïssaoui, universitaire. Noyé, tué par balle, frappé à mort, mort par strangulation... Les manifestants ont brandi le long du parcours des pancartes portant le nom des victimes et des disparus. L'une d'elles porte le nom de Fatima Bedar, médiatisé par l'écrivain Didier Daeninckx, étranglée. L'histoire de cette victime est émouvante La jeune femme a été assassinée et la police avait convoqué son père pour qu'il reconnaisse officiellement qu'elle s'était suicidée. Ouvrier analphabète, il avait apposé une croix sur le rapport de police pour confirmer la version des autorités. L'objectif des manifestants est de sortir cette journée de l'oubli. De nombreuses associations pressent l'Etat français à aller vers la reconnaissance du crime. Ainsi Jonathan Hayoun, président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), déclare : «Chaque pays devrait pouvoir revenir sur les zones sombres de son histoire. La justice et la réconciliation républicaines en sont le point de mire. En reconnaissant une fois pour toutes le massacre du 17 octobre 1961, la République française se montrera à la hauteur de ses idéaux si nobles de justice et de vérité.» Regarder son passé en face Présente dans la manifestation, l'historienne Peggy Derder insiste sur la nécessité de l'ouverture des archives de l'époque au public. «Un certain nombre de documents ont disparu, comme ceux de la Brigade fluviale. L'accès aux archives a longtemps été aléatoire, car couvertes par des délais de non communication. Jean-Luc Einaudi s'est vu refuser l'accès aux archives de la préfecture de Paris et aux archives judiciaires», témoigne l'historienne. Tôt dans la journée, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a commémoré le massacre aux côtés de l'ambassadeur d'Algérie. Le maire de la capitale a souhaité que «ce crime couvert ou décidé par les autorités de la France soit reconnu par la ville de Paris». «Ce sont des policiers en tenue qui ont assassiné. Nous demandons au président de la République de dire que c'est un crime d'Etat qui a été commis», a demandé M'hamed Kaki, président de l'association les Oranges à Nanterre d'où étaient partis de nombreux manifestants en ce mardi pluvieux du 17 octobre 1961. Réponse du ministre de l'Intérieur : «La France doit faire face à son passé, mais ne doit certainement pas présenter des excuses.»