Méditerranéen, le festival offre ses écrans aux expressions nées des bouleversements de la région. Le Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier, qui en est à sa trente-troisième édition, se déroule cette année entre le 21 et le 29 octobre. Il faut dire que la région draine de plus en plus de cinéastes à la recherche de conditions idéales de tournage, tout en s'appuyant sur un savoir-faire qui s'affirme incontournable au niveau hexagonal. Mais, comme l'a souligné Jean François Bourgeot, directeur du festival, lors de la conférence de presse de lancement, en faisant allusion aux révolutions arabes qui ont ré-enchanté les aspirations démocratiques de notre Mare Nostrum : «Les dictatures un peu spartiates ou les fausses démocraties vraiment perverses ne seraient donc plus une fatalité en Méditerranée, plus précisément dans le monde arabe. Une réalité, sans doute pas encore. Mais un bel espoir, c'est certain. Pour témoigner de cela aussi, de nombreux acteurs de la rive sud, Maghreb, Egypte ou Liban, seront là. Avec des films magnifiques, fictions ou documentaires». Cela dit, le festival n'a pas de vocation géopolitique et il s'agit juste de faire résonner l'écho des aspirations d'une jeunesse qui n'en peut plus de vivre en marge des affaires de la cité. Dans ce cadre, les organisateurs proposent des tables rondes avec des acteurs et réalisateurs égyptiens, témoins de première main des événements de la chute de Moubarek et de sa caste. Les spectateurs verront ainsi Tahrir (Place de la libération), de l'Italien Stefano Savona qui a suivi des jeunes Egyptiens dans le feu de l'action, déboulonnant la statue du commandeur installée depuis plus de trente ans. El Sayed, Noha et Ahmed se meuvent dans un espace de liberté où les mots font mouche. Katia Jarjoura propose de son côté Good Bye Moubarek qui est une sorte de chronique de la chute du dictateur embaumé. La révolution tunisienne, qui est venue à bout de Ben Ali et du camp des Trabelsi, fera l'ouverture du festival avec un court- métrage de Karine Albou intitulé Yasmine et la révolution. Ce film décrit l'itinéraire d'une jeune Tunisienne qui découvre l'engagement en faveur de la révolution en devenir. Pour rester en Afrique du Nord, le cinéma algérien reste comme d'habitude très présent et très attendu par la passion qu'il suscite et les débats qu'il génère. Le festival propose le film documentaire de Yasmina Adi, Ici on noie les Algériens-17 octobre 1961. Cette tragédie, vécue par les Algériens en plein cœur de la capitale française, n'a pas encore livré tous ses secrets et surtout ses non-dits. La réalisatrice fait un véritable travail d'historienne en faisant parler des témoins de la tuerie, des manchettes de journaux et des extraits de témoignages radiophoniques. Peut-être faudra-t-il, à travers ce film documentaire très attendu, poser la question de la responsabilité en haut lieu, au-delà de la personnalité du très controversé préfet Maurice Papon. Les courts métrages ayant pour thème l'Algérie sont très nombreux. C'est dans cet art cinématographique qui se caractérise par la concision qu'on découvre les futurs talents et les esthétiques novatrices. Ainsi, on suivra particulièrement Brûleurs, de Farid Bentoumi. Ce film met en scène des jeunes qui essayent, sur des barques de fortune, de rejoindre l'Europe et ils trouvent en Amine l'œil cinématographique qui fixera à jamais leur odyssée. Dans le prolongement de ce thème de l'ailleurs salvateur, Kahled Hafi, avec Freedom, parle de Mohamed, un jeune pêcheur de la baie d'Alger qui prend la décision de partir en Europe avec sa copine. De son côté, Raouf Benia, avec Un jour à Alger, suit Hakim, un jeune Algérois, dans ses pérégrinations quotidiennes entre transport et travail. Il faut aussi souligner que la jeune réalisatrice d'origine algérienne, Katia Kaméli, a été désignée pour être membre du jury de la compétition courts-métrages.Les attentions accordées au cinéma algérien ne doivent pas faire oublier cependant une production rachitique, en dépit d'un élan qui peine encore à s'affirmer.