Cet art aux apparitions limitées est l'occasion d'une balade belle et intelligente dans la capitale. La photographie, cet art qui, d'une certaine façon, rend visible le réel, n'est pas souvent visible en Algérie. Pourtant, ce n'est pas l'engouement du public qui lui manque ni le nombre de plus en plus élevé de jeunes qui s'y adonnent. De tous les arts visuels, c'est celui qui, depuis l'indépendance, a souffert le plus d'un certain délaissement, limité aux espaces utilitaires de l'information ou de l'état-civil. On ne peut donc que se réjouir qu'il commence à émerger. Cet élan est encore timide mais, avoir en même temps deux grandes expositions de photographie à Alger, est un signe encourageant. On notera d'abord cette 2e édition du Festival national de la photographie d'art organisée par le Musée national d'art moderne et contemporain (Mama). Consacrée à la photographie de presse, son titre, «La photo-événement», est sans doute inapproprié. La photographie de presse ne traite pas que des événements. Elle prend aussi en charge ce qu'on appelle «l'actualité ordinaire», soit les reportages sur la vie quotidienne, la découverte de régions ou de pays, etc. Mais cela est secondaire dans un domaine où seule l'image règne. On peut même considérer qu'un cliché est à lui seul un événement dans la mesure où il nous invite à considérer l'ordinaire comme extraordinaire. Plus de vingt photographes algériens s'efforcent à nous convaincre de cela à travers 200 photos en couleurs et noir et blanc réalisés sur des sujets très divers. Du pèlerinage à La Mecque (Chérif Ben Youcef) au Festival panafricain (Jaoudet Gassouma), en passant par le racisme au Danemark (Souhil Baghdadi), la publicité (Lahcene Abib), les nomades de Mongolie (Ferhat Bouda), la pauvreté à Oran (Abdelkader Fitouh) et quantité d'autres thèmes et lieux, c'est tout un monde à regarder qu'offre cette exposition, en nous rappelant que le regard est aussi un monde. Selon la déclaration à l'APS de Sid Ali Djenidi, commissaire adjoint de l'exposition, il s'agit de «montrer au grand public la fibre artistique des photographes de presse». Il est vrai que, souvent, les photographes de presse sont considérés comme de simples illustrateurs de textes et traités comme tels dans la plupart des rédactions. Mais il faut préciser que ce ne sont pas tous les photographes de presse qui ont une fibre artistique. En fait, aucune hiérarchie ni comparaison n'est possible entre la photographie de presse et la photographie d'art. Ce sont des genres à part entière d'une discipline, comme la nouvelle et le roman le sont de la littérature. Quand elle est bien faite, la photographie de presse est un art sans prétendre obligatoirement à être une «photographie d'art». Au-delà de ces réflexions, il y a un monde à découvrir à cette exposition où figurent des photographes professionnels, des plasticiens passionnés de photo et de jeunes et nouvelles signatures qui peuvent évoluer fortement. On découvrira avec autant d'intérêt le résultat d'une expérience culturelle inédite organisée par la délégation de l'Union européenne à Alger avec l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC). L'exposition qui se tient au Bastion 23 est née de la résidence de 18 photographes algériens et européens à Dar Abdellatif. Intitulée «Regards croisés», cette résidence a porté sur Alger et notamment son patrimoine architectural. Mais les photographes y ont intégré d'autres perspectives et points de vue, produisant environ 300 clichés dont un tiers a été sélectionné par un jury. Il est très instructif de voir comment un sujet aussi énorme qu'Alger a pu être «appréhendé» par chaque photographe. Mais il est plus intéressant de constater comment des divergences d'approche et de styles peuvent converger vers un puzzle de la ville, une sorte de kaléidoscope d'un moment de l'histoire urbaine. C'était là le but du jeu si l'on peut dire. Et il a été atteint de manière étonnante. Offrez-vous donc un parcours photo depuis le Mama jusqu'au Bastion 23 en empruntant le front de mer. «La Photo-événement». Mama, 25 rue Larbi Benm'hidi, Alger. Jusqu'au 3 nov. «Regards croisés». Bastion 23 au 23, Bd. Amara Rachid. Jusqu'au 16 nov