Le corps de la défense est unanime à dénoncer l'atteinte au principe universel consacrant l'indépendance de l'avocat. Les cours de justice seront paralysées à partir d'aujourd'hui et pour trois jours en application du mot d'ordre de grève à laquelle a appelé l'Union des barreaux d'Algérie à l'issue de son assemblée générale ordinaire qui a rassemblé plus de 500 avocats les 14 et 15 octobre dernier à Béjaïa. C'est le contenu contesté de l'avant-projet de loi régissant la profession d'avocat qui a sonné la mobilisation générale des robes noires, décidées à faire barrage au texte du ministère de la Justice actuellement au niveau de l'APN. La grève d'aujourd'hui annonce aussi le début du gel de l'assistance judiciaire dont on réclame de revoir à la hausse les indemnités limitées à 3000 DA. «Nous demandons au moins le SNMG», nous dit maître Idris, bâtonnier de Béjaïa. Les avocats veulent aussi que le taux de 17% de TVA soit ramené à 5% et aussi que les codes de procédures civile, administrative et pénale soient révisés. Le corps de la défense est unanime à dénoncer l'atteinte au principe universel consacrant l'indépendance de l'avocat. Ils revendiquent l'amendement de cet avant-projet et sa mise en conformité avec la Constitution, avec le discours du président de la République qui a promis des réformes politiques et avec les recommandations de la Commission nationale de réforme de la justice. Au moins quatre bâtonnats, dont celui d'Alger, ont plaidé pour le retrait pur et simple de cet avant-projet, jugé «liberticide». La dizaine d'autres bâtonnats a défendu une autre position, celle de l'amendement, estimant judicieux de «sauvegarder le positif» contenu dans certaines dispositions de ce texte. «Nous avons fait des propositions de révision concernant une vingtaine d'articles», nous apprend Me Idris. Pour maître Bourayou, cette grève «est un avertissement au ministère afin qu'il réponde aux préoccupations des avocats». «Ces trois jours de protestation sont motivés par la grave régression que connaît le droit de la défense dans le pays», nous a-t-il déclaré hier. Selon lui, cette régression trouve sa source dans plusieurs situations. D'abord, «le nombre impressionnant de dossiers ou d'affaires à juger au cours d'une seule audience». «Les dossiers se comptent par centaines. Le magistrat, à son corps défendant, est obligé de demander aux avocats d'écourter au maximum leurs plaidoiries», témoigne Me Bourayou, qui souligne aussi que «les justiciables sont obligés d'attendre parfois jusqu'à une heure tardive de la nuit pour voir leurs affaires jugées ou, le plus souvent, renvoyées». Il estime que les avocats «par le fait d'écourter leurs plaidoiries, n'arrivent pas à développer leurs moyens de droit correctement et les soutenir par un argumentaire juridique cohérent». «Le traitement des dossiers, ajoute-t-il, obéit plus à une logique de statistique qu'à une logique de dire le droit et rendre justice.» Notre interlocuteur relève que «les moyens de la défense préliminaire sont le plus souvent joints au fond alors que le juge est tenu, lorsque le moyen touche à une nullité d'ordre public, de rendre un jugement séparé». Pour Me Bourayou, «cette situation devient intenable aussi bien pour le juge que pour l'avocat», notant au passage que «la célérité avec laquelle on traite les dossiers pousse les juges à délibérer en des temps records». L'avocat en donne un exemple douloureux : «Deux femmes prévenues ont été condamnées à la peine capitale suite à une délibération qui n'a pas dépassé dix minutes.» «Ce cas, ajoute-t-il, interpelle les barreaux à prendre davantage de conscience afin de restaurer, au profit d'une justice équitable, le droit de la défense.»