Après la fatwa du MSP, Abdallah Djaballah prend à son tour les devants pour critiquer le travail de la commission chargée de réviser le code de la famille. Cheval de bataille des partis islamistes, le code de la famille, dans sa nouvelle version approuvée par le Conseil de gouvernement, a été traité de tous les noms par ce parti conservateur : « Contraire à la charia, anti-islam, non conforme à la sunna, source de la délinquance, négation de la société algérienne... » Les qualificatifs sont encore très nombreux. Faisant appel à la parole de Dieu, aux textes des oulémas, des cheikhs et à toute l'armada des référentiels qui, souvent, se contredisent, El Islah est ainsi sorti de sa réserve pour faire porter le chapeau « au président Bouteflika et à tous ceux qui ont soutenu sa réélection à la magistrature suprême ». Dans une conférence de presse, animée hier au siège de son parti, Abdallah Djaballah a tenté le tout pour le tout pour convaincre les journalistes du « bien-fondé » de ses critiques. Allant d'un courant de pensée à un autre, l'orateur a puisé ses arguments tantôt dans des versets coraniques tantôt dans les paroles du Prophète Mohamed. « Il constitue un danger pour la femme, pour la famille et pour les générations à venir », a soutenu Djaballah, en rappelant que sa formation avait prévenu lors de la campagne électorale pour la présidentielle d'une telle « orientation ». « Nous nous attendions à cela. Le président Bouteflika l'a qualifié lors de la campagne présidentielle de texte révolu et obsolète qui ne répond plus à l'évolution de la société algérienne. Il a manifesté clairement sa volonté de l'abroger car, pour lui, ce code en vigueur appartient à une société périmée », a-t-il souligné. Djaballah poursuit son réquisitoire en relevant que « 16 articles sur les 36 que compte le nouveau code ne sont pas appropriés à la charia ». Usant toujours du registre religieux, le conférencier évoque deux amendements « très dangereux ». L'article 3 régissant les rapports entre les époux et l'article 6 portant sur le tutorat. Aux yeux du président du parti El Islah, « la suppression du tutorat comme condition sine qua non pour que s'accomplisse l'union et la mise du marié sous l'autorité du juge est inconcevable ». L'autre grief retenu par le président d'El Islah à l'encontre de la commission chargée de proposer une nouvelle mouture du code de la famille est en rapport avec « la forte dépendance des polygames de la volonté du juge ». Pour lui, à travers l'article 8 du projet de code, le législateur a d'une manière « supprimé la polygamie, permise par Dieu ». Campagne de sensibilisation Il est à rappeler que ce nouvel article stipule que pour postuler à un autre mariage, l'homme doit impérativement avoir au préalable le consentement de sa première épouse. Il incombe aussi à celui-ci de convaincre le juge du bien-fondé de son besoin d'avoir une seconde femme. S'agissant des propositions faites concernant la garde des enfants en cas de divorce, Djaballah a qualifié d'« injuste » le fait de confier la garde des enfants au père en cas d'incapacité de la mère. Car, selon lui, la charia édicte que la garde doit revenir de fait à la grand-mère dans le cas où la maman n'est pas en mesure d'en assumer la charge. Après avoir fini sa diatribe, le président d'El Islah a émis le vœu que le texte en question ne franchira pas le Conseil des ministres. Néanmoins, il a laissé entrevoir qu'il ne se faisait pas trop d'illusions. « Je souhaite qu'il (le nouveau code) n'atterrisse pas sur le bureau de l'APN car, le cas échéant, le texte passera telle une lettre à la poste au niveau du Parlement », atteste-t-il. Pour la circonstance, il ne s'empêchera pas d'ailleurs de descendre en flammes les députés des autres formations qui, selon lui, « s'intéressent seulement à leurs intérêts étroits ». « Les élus du peuple sont à l'APN uniquement pour se servir et non pas pour servir leurs électeurs », a-t-il encore clamé. En vue de contrer l'adoption de ce projet de loi, le parti compte lancer dans les prochains jours une campagne de sensibilisation à travers les wilayas. El Islah se propose aussi de tenir un forum à l'APN, auquel seront conviés les groupes parlementaires de différentes sensibilités. Au-delà de ce programme, Djaballah fera remarquer toutefois qu'El Islah, à lui seul, ne pourra pas bloquer ce projet. Une manière pour lui, sans doute, d'appeler à la rescousse les autres partis islamistes.