Lauréate cette année du prix Tahar Djaout, la romancière est aussi poétesse. Sa première publication, que nous voulons rappeler ici, est d'ailleurs un recueil de poèmes* où les différentes tonalités du bleu et les musicalités variées s'imposent dans son écriture. De fait, dans certains poèmes de cette auteure, la réflexion sur l'acte d'écriture et la rêverie éveillent tout un monde intime enfoui à cheval entre réel et imaginaire, comme peuvent le montrer quelques variations sur un poème intitulé Légende du bleu. «Elle habite, ancrée dans l'intime et le dérisoire, la page bleue que l'on arrache au temps et qui reste la matière de cette histoire.» Ainsi commence ce poème qui nous permet d'entrer dans un univers particulier, un monde teinté où l'écriture prend son envol dans «le bleuissement du soir où chante un petit oiseau perdu, une mésange comme la voix ténue de ce bleu sage et frais sur lequel vont et viennent des lettres qui écrivent et s'installent». L'instance narrative et poétique s'interroge : «Elle va de chambre en chambre, rechercher d'où vient ce chant de couleur qui habite les lieux, (…) elle passe avec l'intensive lumière des songes, accompagnée de luminaires et de lampes violettes où la flamme est obsolète». La dimension spatiale prend le pas sur la dimension temporelle. Le paysage prend forme, la description s'organise autour de la lumière – ou plutôt de l'acte d'écriture – où l'inspiration du poète prend son envol et se traduit par le chant. Car, précise Yamilé Ghebalou-Haraoui, c'est du chant «que jaillissent les nuées qui projettent sur les murs le passage ensoleillé des vols migrateurs. Et dans la légende du bleu, la maison s'ouvre et s'achemine par de secrètes rotations vers le cœur changeant des soirs, où les enfants s'en vont jouant, dans le refrain des oiseaux bleus, qui n'ont d'autre appartenance que l'absence de tous les lieux». L'oiseau bleu, métaphore du poème, est ainsi l'élément essentiel, la clé de l'énigme de l'acte d'écriture. C'est lors de l'interaction entre un sujet et une réalité physique que le paysage s'élabore, que ses contours se précisent et que ses formes et ses couleurs se fixent. Cet acte de perception où interviennent de nombreux filtres, joue un rôle déterminant dans tout acte d'écriture et particulièrement dans l'écriture poétique. La poésie se nourrit de l'expérience vécue, elle s'offre comme un prolongement de cette rêverie spatiale qui affecte notre poétesse. Yamilé Ghebalou-Haraoui, «Demeures du bleu». Poésie. Editions Hibr, Alger, 2008.