Les nombreux automobilistes qui s'approvisionnent à ces points de vente sauvage sont ravis de cette aubaine qui leur permet d'acheter des denrées exposées pendant des jours à un soleil de plomb et à la poussière. Un vendeur de fruits et légumes commence par disposer quelques cageots sur le bord de la route nationale pour attirer le chaland automobiliste. Bientôt il est rejoint par un deuxième vendeur puis par un troisième. Au bout de quelques jours ou de quelques semaines, les vendeurs confectionnent des baraques de fortune avec quelques roseaux, des tôles, des bâches ou des cartons pour s'abriter du soleil mordant et de la pluie. Attirés par la marchandise exposée, des automobilistes pressés s'arrêtent comme ils peuvent, au mépris de la sécurité et du code de la route. En très peu de temps, l'endroit devient un marché informel, allongeant un peu plus la liste de ses souks anarchiques qui pullulent sur les bords de routes nationales déjà passablement encombrées. On y vend des pommes de terre, des oignons, de l'ail, des poivrons, des bananes, des cerises, des raisins, des figues et bien d'autres choses encore au gré des saisons ou des arrivages des bateaux des importateurs. Au-delà des risques que le phénomène fait peser à la sécurité des usagers de la route, cette clochardisation d'une profession qui devrait obéir à des règles d'hygiène stricte, puisqu'il s'agit de denrées alimentaires, ne dérange apparemment personne en haut lieu. Les nombreux automobilistes qui s'approvisionnent à ces points de vente sauvage sont ravis de cette aubaine qui leur permet d'acheter des denrées exposées pendant des jours à un soleil de plomb et à la poussière. Et pour cause, ces pères de familles peu soucieux de la santé de leurs maisonnée croient avoir affaire à des producteurs locaux qui vendent directement le produit de leurs champs.En fait, en dehors de quelques chômeurs qui comptent sur ce moyen pour se faire quelques dinars, il s'agit de véritables réseaux mis en place par des grossistes et des importateurs pour écouler une marchandise le plus souvent importée comme l'ail chinois, l'orange marocaine ou la banane d'Amérique du sud. Gros business Chaque réseau comprend des jeunes qui ont acquis des petites camionnettes dans le cadre du dispositif de l'Ansej ou directement fournis par les barons de l'import-import. Pratiquement, tous les camions et camionnettes qui servent à dispatcher la marchandise sont immatriculés à Alger ou Boumerdes.Chaque jour, qu'il vente, qu'il pleuve ou qu'il fasse 50 C° à l'ombre, des centaines de véhicules chargés de fruits sortent des hangars pour s'éparpiller sur les routes nationales. Chacun essaie de trouver le meilleur emplacement possible pour liquider un maximum de marchandise. Si la banane est aujourd'hui à 120 dinars, elle le sera pour tous les revendeurs car les prix sont fixés par ceux qui tirent les ficelles de ce gros business. Le jeune chauffeur revendeur qui passe toute la journée au bord de la route à respirer les gaz d'échappement sous un soleil de plomb bénéficie d'une marge de bénéfice sur chaque kilo vendu. N'évoquons pas les monceaux de détritus et d'emballages perdus qui sont laissés sur place et fermons les yeux sur les stationnements anarchiques de tout ce beau monde qui vend ou achète dans un lieu où une telle activité devrait être formellement interdite. Le plus grave est que même lorsque les marchandises squattent complètement l'accotement et une partie de l'asphalte, aucune autorité n'intervient pour sévir. Ainsi, après avoir livré les trottoirs aux vendeurs à la sauvette, les espaces de stationnement aux jeunes qui manient le mieux un «metrag», voilà que nos vaillants responsables, à tous les niveaux, livrent les accotements des routes nationales aux vendeurs de fruits et légumes et aux réseaux de l'importation, accentuant, au passage, un peu plus cette image d'un pays anarchique et livré à lui-même.