Tours fantômes, tours aux pigeons, World Trade Center algérien... les épithètes qui collent aux tours d'El Hamma sont aussi abondantes que risibles. Les rumeurs et autres « théories » fantaisistes faisant des tours d'El Hamma l'objet des folles spéculations ne sont en fait que la résultante directe de la rétention excessive de l'information. Laquelle information, aussi banale puisse-t-elle paraître, est gardée tel un secret d'Etat. De quoi s'interroger sur ce qui motive réellement une telle réaction, résolument trop démesurée. Serait-ce la crainte de répondre du coûteux investissement qui aurait « criblé » les caisses du Trésor, et qui accouche, vingt-deux ans après son lancement, d'une nabote réalisation ? Ou serait-ce quelques intérêts « obscures », dont seules les arcanes - non-identifiées - en détiennent la pénétration ? Ou bien, serait-ce le détournement, « légalement exécuté », de la raison du projet qui suscite autant d'appréhension ? N'est-il pas prévu à usage d'habitation ? De nombreux contacts ont été entrepris pour solder ces interrogations, mais la plupart des tentatives ont été infructueuses : les responsables contactés à cet effet : direction du logement, de l'urbanisme, l'Opgi, la Cnep, etc., s'ils ne préfèrent pas se cacher derrière les creux alibis improvisés par leur secrétaire, se drapent d'une soudaine ignorance ou nous envoient carrément sur une fausse piste. Mais serait-ce possible d'ignorer les plus culminantes constructions d'Alger ? A l'Opgi d'Hussein Dey, c'est cette attitude qu'on retrouve. Une partie des services de l'Office est pourtant postée à quelques centaines de mètres de là. Ce n'est visiblement pas une question de distance. « Nous ne savons pas à qui appartiennent ces bâtiments », nous surprendra un responsable de l'Office de gestion immobilière. Un autre, architecte de formation, converti aux luxures bureaucratiques, nous fera, quant à lui, à sa façon un bref « topo » de la situation qu'il estime assez « confuse ». Pour lui, « les empêchements techniques » à la livraison définitive desdits appartements évoqués ici et là, ne sont pas « sérieux ». « Ce n'est pas en achevant de construire le 15e étage d'une tour, qu'on s'apercevra d'un éventuel problème lié soit à l'instabilité du sol ou à la présence d'une nappe d'eau ou tout autre chose », dira-t-il. Toutes les rumeurs colportées par la « rue » ne seraient que « pures affabulations ». Pour ce qui est du style architectural et de la convenance même de telles constructions dans une ville au « cachet » urbanistique particulier, il nous balancera à la figure la classique sentence : « Nous n'avons pas de paysage architectural propre à nous. » Ce qui explique selon lui « pourquoi on s'accroche si désespérément à La Casbah (...) Les gratte-ciel sont devenus une composante ordinaire de toutes les grandes villes du monde ». Rien dans son propos ne trahit en tous cas ses résolutions optimistes. Et même trop. Abordant de nouveau le cas des tours El Djaouhara (le bijou), il nous informera que celles-ci font initialement partie d'un « vaste projet de restructuration d'El Hamma », où de grands ensembles ont été prévus. Certains ont vu le jour, à l'image de la Bibliothèque nationale, l'hôtel Sofitel, un centre commercial, un parking mitoyen avec la BN et d'autres qui ont été carrément jetés aux oubliettes. La direction de l'urbanisme avec qui nous avons pris attache n'était pas dans l'idéale phase lunaire pour communiquer sur le dossier. Le plan entamé sous l'ère du président Chadli a vite été enseveli avant que l'ex-gouverneur du Grand-Alger, Chérif Rahmani, ne le déterre à nouveau, mais pas pour longtemps, puisque son successeur le renvoie illico dans l'oubli. Selon un haut cadre de la banque Cnep, les tours d'El Hamma ont été « reprises » à la DNC, constructeur de l'ouvrage (le maître d'ouvrage reste une donne méconnue). La filiale Cnep Immo a donc hérité des bâtiments en question et seront désormais gérés par elle. Pour l'usage qui en sera fait, ce ne sera sûrement pas celui pour lequel ils étaient préalablement destinés, à savoir à usage d'habitation. La Cnep Immo, en pleine extension, réaménagera l'ensemble en bureaux, qui seront proposés vraisemblablement à la location. L'investissement semble à la pointe d'un marché émergeant et prometteur. Cela intègre en sus un programme national initié par ladite banque. Le directeur de la filiale, que nous avons sollicité pour confirmer l'information, est resté insaisissable. L'acquisition de ces 554 appartements dopera certainement ce programme, et en parallèle il flouera davantage les centaines de milliers de demandeurs de logements. Ceux-ci devront encore attendre leur... tour.