La gauche et la droite s'affrontent sur le droit de vote des étrangers extracommunautaires aux élections locales. Promis par la gauche depuis 1981, ce droit, accordé par plusieurs pays de l'Union européenne, n'a jamais abouti en France. Paris. De notre correspondante Alors que la nouvelle majorité sénatoriale de gauche prévoit d'examiner le 8 décembre une proposition de loi constitutionnelle du PS sur le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des ressortissants de pays non membres de l'Union européenne résidant en France, Nicolas Sarkozy s'est dit opposé à cette disposition. Celle-ci a été votée par l'Assemblée nationale le 3 mai 2000 sous le gouvernement du Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, mais repoussée par le Sénat, alors à majorité de droite. «Une telle proposition me semble hasardeuse (...) parce qu'elle risque de diviser profondément les Français, au moment où, plus que jamais, nous avons besoin de les rassembler», a déclaré le président Sarkozy devant quelque 2000 maires reçus au palais de l'Elysée à l'occasion de leur congrès annuel à Paris, mercredi dernier. «Je crois depuis longtemps que le droit de voter et le droit d'être élu, dans nos territoires, doit demeurer un droit attaché à la nationalité française, étendu pour les élections municipales et européennes aux citoyens européens qui partagent avec nous une communauté de destin», a poursuivi le président Sarkozy. Revirement Pourquoi ce revirement du chef de l'Etat français, candidat, non déclaré, à l'élection présidentielle de 2012, alors que dans un passé récent il s'était montré favorable au droit de vote des étrangers non communautaires aux élections municipales ? Nicolas Sarkozy, le 24 octobre 2005, déclarait au journal Le Monde : «Je ne trouve pas anormal qu'un étranger en situation régulière, qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins dix ans en France, puisse voter lors des élections municipales. J'ouvre un débat en faveur d'une mesure que je pense juste.» Un mois après, il récidivait dans les colonnes de Libération. «C'est une stigmatisation d'une partie de la population», selon le socialiste Michel Sapin, qui estime que Nicolas Sarkozy veut «faire en sorte que ceux qui sont sur son extrême-droite se sentent plus à l'aise en le regardant (…) c'est une opération de dragage». Le 19 octobre dernier, Thierry Mariani, membre de la droite populaire, aile dure du parti de Nicolas Sarkozy, l'UMP, lance une pétition nationale contre l'éligibilité et le vote aux élections locales des étrangers issus des pays hors Union européenne. La gauche, devenue majoritaire au Sénat, pourrait-elle faire adopter le droit de vote et d'éligibilité des étrangers non communautaires aux élections municipales ? Première promesse en 1981 La première promesse de droit de vote aux étrangers non-européens aux élections locales figurait dans les 110 propositions du candidat Mitterrand en 1981, sans avoir été réalisée. Cette promesse fait aussi partie des engagements du candidat François Hollande. La sénatrice EE-LV du Val-de-Marne, Esther Benbassa, qui sera le rapporteur au Sénat du projet de loi de la gauche, dans une tribune qu'elle signe avec Noël Mamère, député EE-LV de Gironde dans Le Monde (daté du 24 novembre 2011), relève que le droit de vote concerne plus de 3 millions de personnes et qu'«il démontrerait à ceux, venus d'ailleurs, qui travaillent pour faire tourner la machine économique, qui élèvent leurs enfants dans notre pays et qui y paient leurs impôts, que les ‘‘nationaux'' les reconnaissent comme leurs égaux et leur demandent à ce titre de participer à la vie de la République». Entre octobre 1999 et janvier 2000, quatre propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale par la gauche plurielle. La première loi, dont le député Vert, Noël Mamère, était le rapporteur, a été discutée en séance publique en avril 2000. La loi est adoptée par l'Assemblée le 3 mai 2000, sous le gouvernement de Lionel Jospin. Elle ne permet pas aux étrangers non communautaires d'exercer les fonctions de maire ou de maire-adjoint ni de participer à la désignation des grands électeurs et à l'élection des sénateurs. La majorité sénatoriale, dominée par l'UMP, refuse de l'examiner. Face au blocage parlementaire de droite, 26 maires ont décidé, en février 2011, de «donner un second souffle» à ce débat, mettant en avant leur expérience du terrain pour mieux légitimer leur démarche. «Etrangers comme nationaux sont impliqués dans la vie de nos cités (…). Ils participent à la vie économique, sociale et associative et contribuent déjà à la vie citoyenne en étant responsables d'associations, délégués syndicaux…», a rappelé Roland Ries, sénateur-maire socialiste de Strasbourg. Des villes comme Lille, Nantes, Toulouse ou encore Paris ont signé l'appel. Aucune municipalité de droite toutefois.