«Avant l'orgasme, il y a la douleur de la création… Tu ne peux pas autant jouir que lorsque tu reçois cette grâce quand tu t'envoles…» Ne pas vexer l'amateur, ne pas heurter le professionnel», diantre ! Cela sonne comme un slogan de contestation d'artistes anarchistes «overdosés» de création et… en mal d'espace. Tant l'énergie est débordante. Pourtant, cette réplique de l'artiste Rachid Djemaï — maniant son pinceau comme un archer — à l'apparence d'avertissement, est une sorte d'entrée en matière signifiant «l'art ne jure que par le talent, quel que soit le statut !» Lui, aime le voile, le charme du voile algérien. Mais, ce n'est pas pour cacher quoi que ce soit. Cela, contrairement à ce que l'on pourrait penser, n'a aucun côté restrictif. Moussa Bourdine, la tête engoncée dans un béret noir, lance, goguenard : «Je suis imprégné par la mère et ce n'est pas le complexe d'Œdipe.» Une réflexion giclant comme une boutade, mais sait-on jamais. Il aurait pu dire la Femme, cet être qui apparaît en permanence dans ses toiles aux couleurs vives, mais reposantes. Il dit ne pas vivre sur ses acquis, lui le saltimbanque, ni être prisonnier du sujet. Le sujet qui ne peut-être que prétexte, encore une fois, pour plonger dans son univers. «Je ne pars jamais avec une idée préconçue», précise-t-il. Mustapha Nedjaï, «embuant» son regard derrière des verres sans fard, passe de la photo à l'écriture et à la peinture, avec une aisance déconcertante. Ne risque-t-il pas de se disperser entre ces trois arts ? «En réalité, je ne fais que ce que j'aime et tant que je suis dans les formes d'expression artistique, cela ne peut-être qu'enrichissant.» De la boulimie intellectuelle… même s'il s'en défend. Comment peut-il l'exprimer autrement, lui qui travaille sur cinq à six tableaux à la fois ? L'esprit de Valentina, la Slave aux cheveux ambrés, à l'accent de Raspoutine, se met en érection sans prétexte, sommes-nous tentés de dire. «Je suis guidée par l'idée, l'émotion, l'évolution des choses. Tout est prétexte pour moi afin de rendre hommage aux gens qui me touchent.» Les portraits de Patricia Kas et d'autres personnalités sublimes et célèbres en font d'elle une cartomancienne de l'âme. «Mon message est la paix et l'amour.» Les quatre artistes déboulant d'Alger pour conquérir la ville de Maghnia, en dépit de la différence de leurs styles, ont en commun, pourtant, le sens du partage. Chez eux, l'orgasme se produit quasi instantanément et se transmet à l'autre, le lecteur des œuvres. Comme par télépathie. Cependant, et c'est un sentiment, dans les œuvres de mes amis plasticiens, on ressent une certaine violence enfouie dans le subconscient. Malgré la beauté du trait, de la couleur… de la pensée non révélée ouvertement. «Dans la tonalité de la voix, l'expression gestuelle de l'Algérien, il y a cette effervescence (un euphémisme de la violence) d'une société ayant enduré des années d'hostilité, d'animosité, de haine, de sang…», confessent presque en chœur Valentina et Mustapha. Et c'est une lapalissade que de dire que l'intellectuel ne peut se disloquer de son environnement. «S'il y a quelque chose qui ressemble à l'orgasme, c'est ce que nous faisons. Mais, avant l'orgasme, il y a la douleur de la création. Tu ne peux pas autant jouir que lorsque tu reçois cette grâce quand tu t'envoles… avec ta création…», nous enseignent pudiquement Valentina, Rachid, Moussa et, Mustapha. Difficile de s'en séparer tant le verbe et la prestance sonnent comme les rimes d'un poème…