Pour la première fois, les associations habilitées à pénétrer dans les centres de rétention publient un rapport commun. Le rapport 2010, sévère pour les autorités, est signé de l'Assfam, Forum Réfugiés, France terre d'asile, La Cimade et l'Ordre de Malte. Lyon. De notre correspondant Le gouvernement français avait changé en 2010 la donne en ouvrant l'accès aux centres de rétention à plusieurs associations. On pouvait alors penser que cette dispersion des énergies pour aider les migrants pourrait diminuer l'efficacité de chacune des structures. En fait, elles ont plutôt fait de ce handicap une force. Travaillant ensemble depuis début 2010, les cinq associations : ASSFAM, La Cimade, Forum réfugiés, France terre d'asile et l'Ordre de Malte France présentent ensemble le premier bilan de leur partage d'expériences sur la réalité de la rétention administrative des étrangers en France. «Dépassant le risque de concurrence qui aurait pu résulter de l'ouverture de la mission à plusieurs associations par la méthode de l'appel d'offres, nous avons abordé cette mission d'aide à l'exercice effectif des droits de manière coordonnée. La création d'un comité de pilotage et l'échange constant en matière d'expertise et de pratiques ont notamment permis des prises de position publiques communes à plusieurs reprises», estiment les associations. Politique du chiffre, renforcement du «régime d'exception» qu'est la rétention, enfermement des familles, des enfants, autant de questions abordées dans ce rapport commun, pour interpeller les responsables politiques. Le recours à l'enfermement est systématique, sans recherche d'alternatives, écrivent-il en exergue de leur rapport : «En 2010, ce sont plus de 60 000 personnes qui sont passées par un centre de rétention en métropole ou en outre-mer, dans un contexte de surenchère répressive. Le nombre de places en centres a augmenté de plus de 80% entre 2005 et 2011». Régime d'exception La nouveauté est le chiffre croissant concernant les familles et les enfants enfermés : en 2010, 178 familles ont été enfermées avec 356 enfants, dont 57 nourrissons, contre 318 en 2009. L'idée de l'administration est qu'on ne peut pas séparer les enfants de leurs parents. C'est ainsi que l'augmentation des enfants placés dans des situations proches de la détention pose un problème éthique, moral, mais aussi juridique, car les mineurs n'ont pas à être enfermés. D'autant que les conditions de la rétention sont loin d'être celles d'un 4 étoiles. «Les tensions sont constantes et les violences se répètent» entre les personnes et entre celles-ci et l'encadrement des centres. On a vu des camps incendiés par leurs occupants pour dénoncer les conditions de vie. Les droits fondamentaux ne sont pas toujours suffisamment respectés. C'est pourquoi, «sans préjuger des constats à venir, les associations dénoncent le renforcement de ce régime d'exception». Du reste, les associations signataires se disent vigilantes sur la discussion, puis l'adoption d'une nouvelle législation sur les étrangers en 2011. «Celle-ci allonge la durée de rétention et réduit le contrôle des pratiques policières et administratives par le pouvoir judiciaire. Les constats en 2011 ne font que renforcer l'analyse et la critique sévère déjà exprimées par les associations. Ce bilan doit susciter une vraie prise de conscience des responsables à tous les niveaux afin de garantir le respect des droits fondamentaux de toute personne étrangère sur le territoire français, quelle que soit sa situation», concluent les associations. Elles fustigent enfin «la banalisation de l'enfermement comme mode de gestion de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière et réduit considérablement le contrôle des pratiques policières et administratives par le pouvoir judiciaire». Cet état est jugé «contraire à l'esprit du droit européen», et doit être dénoncé, «autant que les situations absurdes et les atteintes aux droits et à la dignité des personnes générées par une politique marquée par l'obsession de l'atteinte des objectifs chiffrés».