Vladimir Poutine a fini par exaspérer son peuple au bout de l'asphyxie. Il a la main sur tout, même le président russe, Dmitri Medvedev, à qui il compte bien succéder en mars prochain, n'est en pratique qu'une marionnette. La Russie vit un moment charnière de son histoire. Pour la première fois, le pouvoir de l'ancien agent du légendaire et sinistre KGB, Vladimir Poutine, est aussi ouvertement critiqué. Pas seulement, la contestation et le vent de révolte qui frappe le monde arabe, semblent, inexorablement, atteindre cette partie de l'Europe de l'Est qui est restée imperméable aux idéaux de liberté et de démocratie. L'épisode Gorbatchev et sa perestroïka, n'a été finalement qu'une parenthèse. L'ouverture conduite par l'ancien président de l'Union soviétique à la fin des années 1980 et qui a abouti à la chute du mur de Berlin n'a pas connu de parachèvement. Pis, Vladimir Poutine, l'homme fort du Kremlin, a amorcé une espèce de contre-révolution pour aboutir finalement à l'instauration d'un régime totalitaire alliant l'intrigue, la fraude électorale, le crime et l'argent sale. L'épisode de l'assassinat d'Anna Politkovskaïa, journaliste russe et militante des droits de l'homme, donne amplement à voir sur la nature du régime installé à Moscou par l'ancien agent du KGB. C'est la 21e journaliste qu'on a fait taire à jamais depuis l'arrivée de ce dernier au pouvoir. Bien qu'il ait pu remettre sur pied l'économie russe, Vladimir Poutine a fini par exaspérer son peuple au bout de l'asphyxie. Il a la main sur tout, même le président russe, Dmitri Medvedev, à qui il compte bien succéder en mars prochain, n'est en pratique qu'une marionnette. Pour beaucoup, d'ailleurs, la prochaine élection présidentielle n'est que de pure forme, puisque tout le monde sait d'avance qui en sera l'heureux lauréat. Poutine a presque tout mis en place. A commencer par les dernières élections législatives entachées d'une fraude généralisée qui a donné une victoire très contestée à son parti, Russie unie. Mais son projet, qui s'inspire visiblement des références soviétiques de mauvais souvenir, a mis les Russes en colère dans un contexte caractérisé par les révoltes dans les pays arabes. La contestation gronde même dans les fins fonds de la Sibérie. Les pratiques de Poutine rappellent le sinistre goulag et ses compatriotes ont décidé de lui dire que l'époque est révolue, en demandant expressément l'invalidation du scrutin qui a donné à son parti la majorité au Parlement. De Moscou à Vladivostok, la mobilisation va crescendo et finie l'omerta imposée par la trique et la terreur. La rue en ébullition revendique tout simplement son départ. Poutine n'a finalement rien à envier aux dictateurs arabes qu'il soutient et qu'il aide à se maintenir par la grâce du veto russe au Conseil de sécurité des Nations unies. C'est en fait une question de culture et de valeurs, et Poutine incarne à merveille l'atavisme du système à la soviétique. Lui-même rêve de cette époque. La Grande Russie, disait-il à un journal, «n'est rien d'autre que l'ancienne Union soviétique». Nourris aux sources du KGB, Poutine a reproduit le même système. La démocratie, les libertés et les droits de l'homme, ce sont autant d'écueils qu'il doit éliminer sur le chemin de ses ambitions. Les voix qui contestent son règne sont tues ou terrorisées. Les militants des droits de l'homme sont jetés en prison.Un pays aussi grand que la Russie qu'on croyait promu au rang des pays respectant les droits de l'homme et définitivement mis sur le chemin des réformes démocratiques, le revoilà demeuré finalement un «archipel du Goulag».