Si le choc des civilisations est une collision majeure, violent affrontement qui s'organise autour d'une indicible ligne de partage, il reste essentiellement polymorphe puisqu'il peut prendre la tête d'une invasion coloniale, le visage d'un drone sans pilote ou celui d'un attentat-suicide dans un marché pour Blancs. Le choc peut même prendre la forme d'un dessin comme au Danemark, où un quotidien a trouvé très intelligent de publier une série de caricatures sur Mohamed, le prophète des musulmans. Si ces dessins de presse n'ont pas été très respectueux, ce qui est d'ailleurs la fonction d'une caricature, la réaction a été prévisible : tollé chez les musulmans du Danemark et du monde entier, colère et rappel des ambassadeurs, ce qui n'a été fait ni pour l'invasion de l'Irak ni pour l'emploi du terme « croisade » par Bush pour qualifier le bombardement d'un pays souverain. Il y aurait là de quoi rire en seconde lecture d'une oumma qui s'offusque d'un dessin tout en s'adaptant le dos courbé à la domination judéo-chrétienne si les Danois n'avaient été armés de mauvaises intentions, dans le sens où les idées de l'extrême droite anti-arabe et anti-musulmane sont à l'origine de ce test de Pavlov au format papier. Comme il aurait été plus généreux de se placer du côté de la liberté d'imager étant donné que les Danois sont chez eux au Danemark et que chacun dans le reste du monde peut caricaturer Jésus, Bouddha, Moïse et même Dieu sous la forme d'un barbu parkinsonien dépassé par la Création. Le débat reste le même, on peut construire des mosquées dans le monde chrétien, mais pas d'églises dans le monde musulman. Le bilan est aussi le même : le monde musulman a tout perdu, ne lui reste qu'à s'accrocher à son prophète mort. Le monde judéo-chrétien a tout gagné, il peut s'amuser à provoquer 1 milliard d'ulcères à distance avec un dessin. Trop fort.