Comme il fallait s'y attendre, le Quartette qui s'est proposé de promouvoir la paix au Proche-Orient, mais sans jamais parvenir à respecter ses propres engagements, a pris lundi à Londres une décision qui pourrait être lourde de conséquences si jamais, bien entendu, elle venait à être appliquée. Un ultimatum en règle a été adressé lors d'une réunion tenue dans l'urgence - du jamais vu - au niveau de ce forum qui a toujours pris son temps, s'agissant de prendre position contre la répression israélienne. Malheureusement, à croire en le Quartette, la question palestinienne se résumerait à une aide alimentaire, une bien curieuse approche, mais la plus maladroite qui soit, car il s'agit de rendre justice au peuple palestinien. Et une telle décision - l'argent contre la reconnaissance d'Israël et l'abandon de la lutte armée - est susceptible d'accentuer la détresse. En tout état de cause, l'un des leaders du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a affirmé hier que l'aide internationale aux Palestiniens ne devrait pas être assortie « de conditions injustes ». Jamais à court d'arguments pour défendre la cause de son peuple, il a souligné que « l'aide internationale offerte à notre peuple est un devoir humanitaire, car le peuple palestinien vit toujours sous occupation israélienne. Cette aide ne doit donc pas être assortie de conditions injustes », a dit M. Haniyeh. Dans une première réaction à chaud, le Hamas avait rejeté les demandes présentées par le Quartette, estimant qu'elles « servent les intérêts d'Israël et pas ceux du peuple palestinien ». « Les conditions posées par le Quartette constituent des pressions qui servent les intérêts d'Israël et non pas du peuple palestinien », a affirmé Mosheer Al Masri, porte-parole du Hamas et député de cette formation. Ce responsable a rejeté le fait que le Quartette pose des conditions à la poursuite de l'aide internationale aux Palestiniens. « Le problème principal c'est l'occupation (israélienne) et non pas le choix démocratique effectué par le peuple palestinien », a ajouté le porte-parole. Il a également assuré que si l'aide continuait à être versée « le prochain gouvernement fera en sorte que son usage soit contrôlé par la loi et ne permettra pas la corruption ». « Nous demandons à la communauté internationale de respecter le résultat des élections. Pour notre part, nous sommes disposés à une coopération avec le monde », a poursuivi le porte-parole du Hamas. Dans un communiqué publié après une réunion de plus de deux heures dans la capitale britannique, le Quartette, ce forum informel composé des Etats-Unis, de l'Union européenne, de la Russie et de l'ONU, a « insisté sur des mesures pour faciliter le travail du gouvernement intérimaire pour stabiliser les finances publiques ». Mais il est « inévitable que l'aide future soit révisée par les donateurs en fonction de l'engagement du gouvernement (palestinien) au principe de non-violence, à la reconnaissance d'Israël et à l'acceptation des accords et obligations existantes, y compris la Feuille de route », précise le communiqué commun, lu au cours d'une conférence de presse par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, Javier Solana, a ensuite précisé que le Hamas avait désormais entre deux et trois mois pour accepter les exigences du Quartette. « Cela dépend du temps qu'il faudra pour former le gouvernement », a indiqué M. Solana. « Selon le président (Mahmoud Abbas), cela prendra probablement trois mois, ou à peu près, pendant lesquels il y aura des négociations entre le président et la majorité parlementaire », a-t-il ajouté. « C'est pendant cette période qu'ils devront clarifier toutes ces choses », a-t-il conclu. « Si nous n'avons reçu aucun signe montrant qu'ils bougent dans cette direction, ce sera très difficile », ajoutera-t-il. En acceptant de financer les besoins immédiats de l'Autorité palestinienne que préside Mahmoud Abbas (Abou Mazen) jusqu'à la formation du nouveau gouvernement, Washington s'est rapproché des Européens, qui ne souhaitaient pas prendre de décision précipitée. Mais l'inverse est également vrai, estiment les observateurs. « Il est important de noter que nous croyons vraiment qu'Abou Mazen mérite d'être soutenu », a expliqué la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice. Mais l'a-t-il été réellement quand il faisait face à des problèmes objectifs comme la relance du processus de paix. C'est là, la question essentielle que le Quartette aborde de manière plutôt abstraite, c'est-à-dire sans prendre le moindre engagement, et sans même garantir l'exécution de ce qu'il a réussi à faire accepter aux deux parties. Les Etats-Unis avaient prévenu, la semaine dernière, qu'ils allaient réexaminer l'ensemble de leur aide aux Palestiniens, y compris humanitaire. Mme Rice avait appelé les Européens à faire preuve de la même fermeté que les Etats-Unis vis-à-vis du Hamas. Toutefois, apprenait-on, M. Solana a souligné que l'UE serait « prête » à travailler avec le Hamas s'il répondait favorablement aux demandes de la communauté internationale, mais Mme Rice s'est abstenue de s'engager aussi loin, se contentant de souligner que gouverner allait de pair avec des « obligations ». Quelques heures avant cette réunion, le Hamas avait appelé le Quartette à un dialogue « sans conditions », à poursuivre le versement de l'aide financière aux Palestiniens. Un appel sans écho. Ce qui pose la question du recours aux pressions dans la gestion des relations internationales, surtout pour une partie qui entend régler un conflit. Dans un tel cas, il serait injuste que ces pressions soient exercées sur une seule partie. Elles peuvent même être contre-productives.