L'hypothétique dévaluation de la monnaie nationale dans l'objectif de freiner les importations a soulevé un tollé. Patrons et économistes se sont relayés, ces derniers jours, afin de dénoncer ce genre d'agissement qui relève d'une vision de court terme. Tous s'accordent à pointer du doigt une dépréciation significative du dinar entre décembre et janvier, même si le taux effectif réel de la monnaie nationale reste stable. Une baisse significative de 4% au mois de janvier cumulée par le dinar face à l'euro, alors que ce dernier perdait entre 10 et 15% face au dollar. Le ministre des Finances, Karim Djoudi, ne pouvant rester insensible aux critiques, a tenté, mardi, d'apporter une réponse. Le premier argentier du pays a d'ailleurs choisi les ondes de la Radio nationale afin de se défendre contre toute intervention dans la politique de gestion des changes menée par la Banque d'Algérie, assurant que c'est «une pure prérogative de la Banque d'Algérie». Selon les propos du ministre repris par l'agence APS, «le motif de dépréciation, avancée par certains experts économiques algériens, comme un moyen de freiner les importations, n'est pas vrai». D'autant que «l'Algérie, en tant que membre du Fonds monétaire international, ne peut utiliser ce moyen (…) pour freiner ses importations». Les arguments du ministre pourtant ne sont guère convaincants. Le fait est que les nuances émises, tantôt pour parler de dépréciation au lieu de dévaluation, ou de léger glissement au lieu de dépréciation, laissent dubitatif plus d'un. Pourtant, les trois concepts donnent corps à une seule et même situation : la perte de valeur pour une monnaie. A ce titre, l'expert auprès de la Banque mondiale, Mhamed Hamidouche, explique que la dépréciation ou l'appréciation d'une monnaie tient du rapport entre la valeur nominale de celle-ci et sa valeur réelle. C'est-à-dire, son pouvoir d'achat ou la hausse et la baisse de la monnaie par rapport au marché. Tandis que la dévaluation ou la réévaluation suppose une politique d'intervention monétaire, soit pour faciliter l'exportation dans le premier cas ou renforcer l'économie et le pouvoir d'achat dans le second. Il est clair que l'Algérie obéit à des règles d'intervention monétaire. Toutefois, malgré le maintien du taux de change nominal à des niveaux relativement stables, la cotation sur la sphère réelle enregistre un glissement de près de 40%. La sphère réelle étant représentée par le marché parallèle des changes. Interventionnisme monétaire Pour l'économiste, Abderrahmane Mebtoul, si la monnaie «est un rapport social traduisant la confiance entre l'Etat et le citoyen», toutefois, la politique monétaire relève, selon lui, de l'illusion et «n'obéit pas toujours aux règles économiques». Pour lui, la dépréciation du dinar répond au «souci de gonfler artificiellement le fonds de régulation des recettes et la fiscalité pétrolière et donc de voiler l'importance du déficit budgétaire et l'inefficience de la dépense publique». L'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer pense, quant à lui, que cette dépréciation n'est qu'une manière «de reprendre d'une main ce qui a été donné de l'autre», à savoir les augmentations de salaires. Toutefois, avant il faut, pour lui, rétablir l'équilibre des prix. Il précise d'ailleurs que le drame est que l'on a introduit une subvention des prix sans régulation centrale. C'est là que réside, selon M. Hadj Nacer, l'explication du fait que les importations augmentent de façon très substantielle, contrairement à ce que prétend le ministre des Finances, lorsqu'il affirme qu'«une dévaluation du dinar se traduirait dans la pratique par une baisse des importations». L'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie précise aussi que dans un système de déséquilibre, comme c'est le cas aujourd'hui, on ne peut avoir de stabilité et qu'on ira certainement vers «des dévaluations successives». Une situation qui ne devrait que susciter l'inquiétude car «le système actuel de gestion des prix ne peut qu'entraîner une augmentation des importations et une diminution de la valeur du dinar».