Le changement de régime en Libye ne semble pas avoir fait avancer de beaucoup la cause des droits de l'homme. Tel est le constat défendu par de nombreuses ONG internationales de défense des droits humains. Dans certains cas, il apparaît même que les nouvelles autorités libyennes et leurs milices se distinguent par des pratiques encore plus cruelles que celles qui étaient en usage sous le long règne de Mouammar El Gueddafi. Pas plus loin que la semaine dernière, Amnesty International a encore accusé les autorités de Tripoli de torturer, parfois à mort, les anciens partisans de Mouammar El Gueddafi. Cette ONG basée à Londres soutient que ses délégués ont vu des traces de torture sur des prisonniers à Tripoli, Misrata et dans de plus petites villes comme Gharyan (ouest) placées sous l'autorité de militaires ou de milices armées. Partageant le constat d'Amnesty, les Nations unies se sont dites particulièrement préoccupées par les «brigades révolutionnaires» que de nombreux observateurs accusent d'avoir provoqué des incidents à Bani Walid et de détenir des milliers de personnes dans des prisons secrètes. Le représentant spécial de l'ONU en Libye, Ian Martin, n'a pas hésité à mettre directement en cause ces brigades dans des incidents sanglants qui ont eu lieu récemment dans cette localité, connue pour être un ancien bastion du régime déchu. «Bien que les autorités aient réussi à contrôler ces incidents (…) il est toujours possible que de telles flambées de violence se reproduisent et mènent à une escalade», a-t-il estimé lors d'un débat au Conseil de sécurité sur la Libye. Les milices «incontrôlables» A ce propos, la Haut-commissaire pour les droits de l'homme (HCDH), Navi Pillay, regrette que le gouvernement libyen n'ait «pas encore établi de contrôle effectif sur ces brigades révolutionnaires» qui ont combattu les troupes du régime de Mouammar El Gueddafi.Des brigades qui, faut-il le rappeler, n'ont pas été encore réintégrées dans l'armée régulière. Sur la question des prisonniers, Mme Pillay s'est montrée «très inquiète des conditions de détention des personnes détenues par les brigades», dont «un grand nombre de ressortissants d'Afrique subsaharienne» sont accusés d'avoir soutenu El Gueddafi. Ses services, mentionne-t-elle, ont reçu «des informations alarmantes de torture» dans ces centres de détention secrets. «Tous les centres de détention doivent être mis sous le contrôle» du gouvernement de Tripoli, a affirmé la commissaire pour les droits de l'homme, estimant que l'armement dont disposent les brigades est «une menace pour les droits de l'homme». Face à cette situation de non-droit, l'organisation Médecins sans frontières (MSF) a tout bonnement décidé de suspendre ses activités dans les centres de détention libyens, confirmant que les détenus y sont torturés et privés de soins. Les équipes de MSF ont commencé à travailler en Libye en août dernier ; depuis lors, ses membres ont noté une forte augmentation des patients souffrant de séquelles de torture à la suite de leurs interrogatoires. Certains patients ont même continué à être torturés après avoir été soignés. A rappeler que l'ONU estimait, à la fin 2011, que les prisons gérées par les milices comptaient 7000 détenus, pour la plupart des ressortissants d'Afrique subsaharienne accusés d'être des mercenaires pro-Gueddafi. Mais selon les ONG de défense des droits de l'homme, ce nombre serait beaucoup plus important si l'on tient compte des nombreux lieux de détention secrets créés par le CNT et ses milices.