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Niamey. Après Lady Gaga, tous à la mosquée !
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Publié dans El Watan le 03 - 02 - 2012

Niamey est une ville peu construite : routes impraticables et réseau d'assainissement quasi inexistant. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. De jour comme de nuit, la capitale nigérienne ne s'arrête pas de vivre. Reportage dans une ville musulmane qui sait s'amuser.
Il est presque 6h. La voix des imams résonne dans les rues de Niamey. Quelques heures auparavant, la capitale nigérienne s'était endormie sur le dernier tube de Lady Gaga. «On dit qu'à Niamey, il y a autant de night-clubs que de mosquées !», affirme Mokhtar Ag Almahary, cadre dans la finance, toujours entre deux avions entre New York et Niamey. «Je suis issu d'une famille touareg pour laquelle il était impensable que j'ouvre un club ! Alors, je me suis associé avec un ami australien afin de créer un lounge branché.
Malgré l'insécurité des dernières années, Niamey reste une capitale où se réalisent beaucoup de projets et d'échanges commerciaux, un endroit où se mêlent plusieurs nationalités. Ici, on ne vous demandera jamais d'où vous venez, ni quel dieu vous vénérez ! Les étrangers s'y plaisent beaucoup.» Pourtant. Chaque année, le classement des Nations unies sur le développement humain enfonce un peu plus le Niger. En 2011, sur 187 pays, le Niger se classe… avant-dernier devant la République démocratique du Congo. La journée, pauvreté et anarchie urbaine sautent aux yeux, bien sûr. Mais le soir venu, elle s'oublie.
Ablutions
De la piscine du grand hôtel Gaweye, le fleuve devient un gigantesque plateau où les télévisions du monde réalisent des reportages jusqu'au coucher du soleil. A cette heure précise, la boîte de nuit de l'hôtel, où l'alcool coule à flots comme dans tous les autres clubs, commence à accueillir ses clients. Une première étape pour Martin Le Louvain, ethnomusicologue parisien qui, depuis cinq ans, voyage à travers le monde pour «collecter» des sons et les coller à d'autres musiques. «Je passe toutes mes soirées dans des endroits comme le Zanzibar ou le Bunny's, la musique et les danseurs sont exceptionnels. Il y a un monde fou chaque soir, parfois je peine à entrer, surtout quand ce sont des fêtes privées ou VIP !» Hervé, jeune Béninois installé depuis quelques années dans la capitale, est aussi un connaisseur de la nuit. «Nous avons de bons Dj à Niamey ! Ils font tourner nos clubs et assurent la réputation grâce à leurs contacts. Depuis deux ans, je gère plusieurs night-clubs en même temps.
Au début, j'étais étonné quand un homme d'affaires nigérien m'a demandé de le seconder dans la gestion de ses hôtels. Puis j'ai très vite compris qu'il y avait là un bon filon, vu la fréquentation d'étrangers, confie-t-il. Les Nigériens s'accommodent très bien de leur religion, le fait qu'ils soient en majorité musulmans n'est pas un obstacle pour leurs activités. Au contraire, je crois qu'il n'y a qu'à Niamey qu'on peut voir un homme faire ses ablutions dans la rue dès l'appel à la prière et faire la fête jusqu'à ne plus tenir sur ses jambes à l'appel du Dj !» Il existe une petite communauté d'Algériens au Niger, précisément à Agadez, et quelques-uns à Niamey. A l'image de Sohar Bastandji, photographe et réalisatrice. «J'avais le projet de réaliser un reportage photo sur les maisons de terre et suivre des pêcheurs sur le fleuve, j'ai finalement fait une dizaine de reportages sur la ville, la grande mosquée et les rues.»
Pieds dans le sable
Les Algériens, qui transitent par Niamey ou y résident, sont unanimes. «Ce qui est saisissant, ce sont les nuits de Niamey. Chez nous, on ne peut pas sortir en boîte sans se faire traiter de tous les noms. Au Niger, c'est tout le contraire. Il y a beaucoup de respect entre les gens et chacun fait ce qui lui plaît tant que ça n'agresse pas la liberté de l'autre. Il n'y a qu'à Niamey qu'on peut voir le consul de France et son fils attablés à l'Institut français dégustant une boisson locale avec des inconnus autour. Ou carrément assis sur des sofas à même le sol, les pieds dans le sable ! Cette ville adoucit l'âme, je m'y plais tant que je peux facilement faire abstraction de mon petit confort algérois.» Rédha est du même avis.
«Il y a seize ans que je vis en Côte d'Ivoire, j'y ai fondé mon entreprise. Quand j'ai le mal du pays, je fais le voyage jusqu'à Niamey avant de rentrer à Constantine, car je retrouve des compatriotes qui vivent là, témoigne Rédha, un Algérien travaillant dans l'import-export. J'aime l'ambiance de Niamey entre le petit marché, les restaurants sénégalais, les pâtisseries libanaises et les étals de viande grillée, on ne peut que trouver son plaisir ! Le week-end, j'aime accompagner mes enfants à la réserve et au parc national. Et quand des amis me rendent visite, je prends plaisir à leur faire découvrir les nuits à Niamey. Il y a tant de lieux où on peut danser et s'asseoir entre amis, sans problème. Je crois qu'il y a plus d'endroits branchés à Niamey qu'à Alger
Une énigme
Marina Bacri, institutrice franco-russe reconvertie dans l'humanitaire, dirige actuellement des projets de développement à travers le continent africain. Elle avoue aussi être tombée sous le charme. «La capitale nigérienne est une énigme pour moi, reconnaît-elle. Quand je suis arrivée la première fois à Niamey, j'avais la trouille de ne pas pouvoir tenir plus de 48 heures, tant les images de désolation me fendaient le cœur. Je ne comprenais pas ce que faisaient tous ces touristes dans les rues et ce qui les attirait autant. Il m'a suffi de quelques jours pour réaliser que Niamey n'était pas seulement pauvreté, famine et insécurité. Les clichés ont la peau dure !» Le soleil se lève à nouveau sur Niamey. Le fleuve Niger qui longe le nord de la ville – le «pressing» comme l'appellent les riverains – attire les femmes qui viennent laver leur linge et les hommes leurs bêtes. Au cœur de la ville, dans le brouhaha des taxis, l'odeur des beignets, le raffut des boutiques qui ouvrent, les fêtards, qui ont à peine dormi deux heures, se retrouvent au restaurant. Une nouvelle journée commence. Comme le résume de façon si poétique l'artiste Ibrahima Seydani, «la nuit prête les Nigériens au jour…».


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