Près d'un quart des importations effectuées par l'Algérie en 2011 étaient constituées de produits alimentaires, dont 10 milliards de dollars représentent les produits de première nécessité (céréales, huile, sucre et poudre le lait), que l'Etat subventionne par ailleurs. En l'espace d'une année, la facture alimentaire du pays a augmenté de plus de 60%, alors même que le ministère de l'Agriculture annonce une croissance de la production agricole de plus de 10% en 2011. Une hausse qui n'a pas eu grande incidence sur les importations, ce qui laisse penser que la production agricole est insuffisante pour répondre à la demande nationale en produits stratégiques et qu'elle est en inadéquation avec le modèle de consommation locale. Dans les deux cas, la dépendance accrue du pays vis-à-vis des importations pose un sérieux problème de sécurité alimentaire à l'heure où les prix sur les marchés mondiaux n'ont jamais été aussi volatils. Selon la FAO, les trois quarts des disponibilités énergétiques alimentaires (quantité de nourriture disponible pour la consommation humaine) sont constitués par les céréales, les huiles végétales et les édulcorants et c'est justement dans ces produits que l'Algérie n'arrive pas à s'autosuffire. Le programme national de développement agricole et rural (PNDAR), mis en place en 2000 avec des objectifs très ambitieux visant à construire une agriculture moderne, en recadrant le soutien vers les exploitants agricoles, n'a de l'avis, des experts agricoles et des acteurs de ce secteur, donné que des résultats mitigés. «Nous n'avons pas été associés à son élaboration et nous y sommes opposés dès le début, comment pourrait-il réussir ?», déclare Mohamed Allioui, secrétaire général de l'Union nationale des paysans algériens (UNPA). Parmi les griefs les plus importants reprochés à ce plan : «Les choix ayant présidé à la distribution des fonds financiers ; les deux tiers des agriculteurs ayant été tenus à l'écart du soutien du Fonds national de régulation et du développement agricole (FNDRA) parce qu'ils ne répondaient pas aux critères d'éligibilité arrêtés par les concepteurs du programme, liés aux orientations générales en faveur des cultures spéculatives sur les terres les plus riches», a souligné Mourad Boukella, professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion d'Alger, dans une étude intitulée «Politiques agricoles, dépendance et sécurité alimentaire», publiée en 2008. Selon lui, «l'analyse des statistiques sur la consommation, la production et les importations alimentaires montre que la question de la dépendance alimentaire quasi absolue de l'Algérie demeure une préoccupation majeure», plus d'une «décennie après le lancement du PNDRA». Le problème résiderait davantage dans le choix des cultures à développer dans le cadre de ce programme que dans les moyens qui y ont été mis. M. Allioui, estime qu'on peut juger de l'efficacité de ce plan en regardant «son impact sur la production des produits stratégiques». L'intérêt n'est pas dans l'augmentation de la production des produits secondaires, dit-il, mais dans «l'intensification des productions qui permettraient de réduire les importations des céréales, du lait, etc.». «La surface agricole est suffisante si on l'utilise d'une meilleure manière», affirme-t-il. Priorités aux cultures maraîchères Selon l'étude du professeur Boukella, la croissance de 5% en moyenne enregistrée sur la décennie 1995-2005 par le secteur agricole l'a été principalement grâce aux cultures maraîchères et à l'arboriculture fruitière. «Ces cultures commerciales, à forte valeur ajoutée, exploitées sur les terres les plus fertiles, ont accaparé l'essentiel des moyens financiers et techniques engagés par les pouvoirs publics», souligne-t-il. Pendant ce temps, «le rendement et la production des produits de base sont restés quasiment stationnaires ou ont augmenté faiblement». En d'autres termes, l'offre domestique ne suit pas la demande exprimée qui ne cesse de croître sous l'impulsion de trois facteurs : la croissance démographique, une forte urbanisation et une dépense alimentaire des ménages qui peut atteindre jusqu'à 70% de leur budget global. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la farine de blé constituait le premier produit de consommation alimentaire en 2008, devant respectivement le sucre raffiné, l'huile de soja et la farine de maïs. Les céréales représentaient à eux seuls 60% des disponibilités énergétiques alimentaires, mais leur production se heurte souvent à des contraintes pluviométriques. Or, pour certains économistes agronomes, «la rente pétrolière pousse plus à l'importation qu'à affronter les difficultés de la production locale». Le département de Rachid Benaissa tente toutefois de remédier à cette situation en prévoyant dans la politique du renouveau agricole et rural (2010-2014) un accroissement de l'offre nationale de produits agricoles, en mettant notamment l'accent sur des filières prioritaires (céréales, légumes secs, pomme de terre, olives, dattes). Mais en attendant, et comme le faisait remarquer le directeur général de l'Institut national de la recherche agronomique, Fouad Chehat, dans l'une de ses sorties médiatiques sur «10 baguettes consommées, 7 sont couvertes par l'importation». La sécurité alimentaire passe nécessairement par l'augmentation de la production nationale qui doit être en mesure de répondre «à raison de 70% ou 80% à la demande nationale». Pour M. Allioui, cet objectif ne pourra être rempli que quant «les agriculteurs pourront cultiver la terre avec le sentiment qu'elle leur appartient, d'où la nécessité d'accélérer les opérations de remise des actes de concession aux agriculteurs dans le cadre de la nouvelle loi sur la concession des terres agricoles».