A vouloir s'imposer par la loi de la force, Abdoulaye Wade a grandement écorché son image au crépuscule de sa carrière et de sa voie. A une semaine du 1er tour de la présidentielle, la tension restait vive au Sénégal où de nouveaux affrontements ont eu lieu hier à Dakar après deux jours de violences (une vingtaine de blessés) liées à la contestation de la candidature du chef de l'Etat sortant Abdoulaye Wade. C'est donc sur un terrain miné que l'ex-collègue et «ami» de Wade, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjoa posé hier ses valises à Dakar à la tête d'une mission d'observateurs de l'Union africaine. Toutes les tentatives des opposants au vieux Wade de manifester pour le retrait de sa candidature au scrutin du 26 février ont été violemment réprimées. Hier, un rassemblement devant une mosquée de la capitale à l'intérieur de laquelle un policier avait lancé des grenades lacrymogènes pendant les violences de vendredi a dégénéré en affrontements avec des policiers. Un millier d'adeptes de la confrérie des Tidianes s'étaient rassemblés devant cette mosquée, la Zawiya El Hadj Malick Sy, rassemblement prévu d'avance, mais survenant deux jours après ce qui est considéré par les Tidianes comme «une profanation». Les fidèles, priant agenouillés devant la mosquée, ont été rejoints par des leaders du Mouvement du 23 juin (M23, coalition de partis d'opposition et d'organisations de la société civile) qui a appelé aux manifestations interdites, ainsi que par le célèbre chanteur Youssou Ndour, également opposant. Le rassemblement se déroulait dans le calme, mais, selon des témoins, la venue d'une personnalité considérée comme proche du pouvoir dont le nom n'a pas été précisé a mis en colère des fidèles auxquels se sont joints des jeunes du quartier. Plusieurs centaines d'entre eux alors ont lancé des pierres sur des policiers qui ont riposté avec des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc. L'un des manifestants a lancé un cocktail Molotov sur une voiture de police qui a commencé à prendre feu. Profanation Les passants et commerçants de l'avenue se sont déclarés «choqués» que de tels incidents se produisent près d'un lieu de culte. «Wade doit s'en aller, c'est la seule solution», a dit un de ces commerçants. Ces nouvelles violences sont survenues au 6e jour de tentatives d'opposants de participer à des manifestations interdites contre la nouvelle candidature de M. Wade, 85 ans, dont 12 au pouvoir, à la présidentielle du 26 février. Ces tentatives ont été réprimées par les forces de l'ordre, les violences culminant vendredi et samedi, faisant une vingtaine de blessés. Au total, cinq personnes ont été tuées depuis la validation le 27 janvier de la candidature d'Abdoulaye Wade par le Conseil constitutionnel. La «profanation» de la mosquée de Dakar, une première depuis le début de la contestation, a exacerbé les tensions dans la capitale et d'autres villes. Elle a profondément choqué les Tidianes qui, avec les Mourides, font partie des confréries les plus influentes du Sénégal, pays à 95% musulman.Elu en 2000, réélu en 2007, M. Wade, candidat à sa propre succession, se dit «sûr» de l'emporter au premier tour et mène sa campagne tambour battant depuis deux semaines, sillonnant le pays. C'est dire que le scrutin du 26 risque tout simplement de précipiter ce paisible pays de l'Afrique de l‘Ouest jadis modèle de démocratie dans une spirale d'instabilité.