Les regards étaient braqués, hier, sur Tunis où plus de soixante pays étaient représentés afin de tenter de mettre sur pied un plan d'aide humanitaire en faveur du peuple syrien et pousser le régime de Bachar Al Assad à changer d'attitude à l'égard de sa population. Cette conférence internationale des Amis de la Syrie, organisée par la Ligue arabe, a rassemblé tous les pays arabes et occidentaux impliqués dans le dossier syrien ainsi que différentes composantes de l'opposition syrienne. Un rassemblement toutefois boycotté par la Russie et la Chine, alliées indéfectibles de Bachar Al Assad. Plusieurs centaines de partisans du régime syrien ont tenté de pénétrer dans l'enceinte de l'hôtel où se déroulait la conférence, finalement repoussés par un cordon de sécurité. A l'ouverture de la réunion, Nabil El Arabi, secrétaire général de la Ligue arabe, a réclamé que le Conseil de sécurité des Nations unies adopte, en urgence, une résolution appelant au cessez-le-feu en Syrie. «Cette conférence devrait prendre des décisions pratiques et donner la priorité à une résolution urgente du Conseil de sécurité sur un cessez-le-feu», a-t-il déclaré. L'Union européenne, quant à elle, gèlera les avoirs de la Banque centrale de Syrie à partir de lundi prochain, a révélé Alain Jupé, chef de la diplomatie française.Pour sa part, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a appelé toutes les nations à geler les avoirs des hauts responsables syriens, à décréter un embargo sur le pétrole, à suspendre tout nouvel investissement dans le pays et à envisager de fermer ambassades et consulats. «Le régime syrien paiera le prix fort s'il continue d'ignorer la voix de la communauté internationale et de violer les droits du peuple syrien», a-t-elle prévenu. Mme Clinton a offert 10 millions de dollars pour soutenir l'aide humanitaire dans le pays. De son côté, le président tunisien Moncef Marzouki a appelé à la création d'une «force arabe» de «maintien de la paix et de la sécurité» en Syrie pour «accompagner les efforts diplomatiques». Une demande appuyée par cheikh Hamad Ben Jassim Al Thani, chef de la diplomatie du Qatar : «Il est nécessaire de créer une force arabe et d'ouvrir des couloirs humanitaires pour apporter la sécurité au peuple syrien.»Le président tunisien a aussi demandé que soit accordée «l'immunité judiciaire» au président Al Assad et à sa famille, et évoqué un éventuel refuge en Russie pour le dirigeant syrien. Création d'une force arabe Les participants à la conférence ont réaffirmé par ailleurs leur soutien au plan de la Ligue arabe qui prévoit les étapes d'une transition démocratique en Syrie, endossé le 16 février par une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU. La conférence va également condamner «sans ambiguïté la brutale répression» du régime, «il est même question de crimes contre l'humanité», selon Alain Juppé.La conférence de Tunis, dont les travaux se déroulaient à huis clos en fin de journée, devrait réaffirmer aussi son soutien à l'opposition syrienne en appuyant sa principale composante, le CNS. Le chef de la diplomatie française a estimé que le CNS est «l'interlocuteur légitime». Jeudi dernier, la secrétaire d'Etat américaine a soutenu que le CNS «a une représentation crédible» et offrait une «alternative» au régime syrien. Selon la télévision d'Etat syrienne, les pays réunis à Tunis sont des «ennemis de la Syrie» ou encore des «amis des Etats-Unis et d'Israël». Bachar Al Assad n'est pas près de démissionner et estime qu'il bénéficie d'un important soutien en Syrie, a indiqué le député russe Alexeï Pouchkov qui a rencontré le président syrien à Damas. La conférence de Tunis intervient alors que l'ONU avait annoncé disposer d'une liste de hauts responsables politiques et militaires soupçonnés de «crimes contre l'humanité» en Syrie. «La majorité des crimes» commis en Syrie ont «nécessité des directives supérieures», selon une commission d'enquête de l'ONU. L'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, avait été nommé «émissaire conjoint des Nations unies et de la Ligue arabe sur la crise en Syrie». La répression de la contestation populaire menée par le régime de Damas a fait plus de 7600 morts depuis 11 mois, selon des ONG syriennes.