Le MSP s'est fixé un cap, les législatives de 2012, pour devenir le « plus grand parti d'Algérie », dixit Bouguerra Soltani. Il s'y attelle activement avec une tactique limpide : partir à l'assaut du pouvoir, mais sans l'attaquer frontalement. Il s'agit de l'affaiblir graduellement, de l'intérieur et de l'extérieur, puis de le cueillir, tel un fruit mûr, le moment voulu, grâce au... vote islamiste : c'est l'arme absolue lorsque les partis démocratiques sont muselés, la société fragilisée par l'absence de repères politiques et quand les gouvernants n'ont aucun projet de société et sont enclins à toutes sortes de compromis lorsque la question de survie est posée. Le MSP a compris que l'Algérie, plongée dans un vide politique quasi absolu, après avoir raté l'expérience démocratique de la décennie 1990, peut basculer dans le giron islamiste pour peu que ne se renouvelle pas l'amère expérience de l'ex-FIS : les Algériens se sont détournés des islamistes leur faisant subir de mémorables défaites lors de nombreux « votes sanctions ». Comprenant la leçon, le MSP a cherché à se forger une renommée « bon chic, bon genre », acceptant de collaborer avec les autorités pour effacer l'image désastreuse du parti de Abassi Madani et de Ali Benhadj dont le seul langage avec les autorités était la confrontation. Le MSP a dû subir sans broncher de multiples échecs au cours des rendez-vous électoraux qui ont ponctué le pays depuis une dizaine d'années, le tout dernier étant les locales anticipées. Enfin, il a intégré une « alliance présidentielle » où il était, après le FLN et le RND, le parti le plus faible car le moins représenté dans les institutions. Puis changement de cap, quand le vent a tourné un peu partout dans le monde arabo-musulman : les partis islamistes se sont imposés dans de nombreux pays, le tout dernier étant le Hamas en Palestine. La situation politique à l'intérieur de l'Algérie, elle, a viré stratégiquement au profit de l'islamisme politique une fois consacrée par référendum la charte sur « la réconciliation nationale ». Le temps est devenu à la « repentance » par l'Etat du rôle qu'il a joué durant la décennie de « la tragédie », une expression à laquelle est dévolu le rôle de gommer la notion de résistance. L'Algérie s'excuse même d'avoir stoppé l'avancée du FIS et s'engage à pardonner aux terroristes. Avec la bénédiction des autorités, les anciens chefs de guerre clament officiellement que si c'était à refaire ils le referaient. Le MSP a compris qu'une page est tournée et que son temps est venu. Testant les réactions du pouvoir, le parti s'aperçoit que celui-ci recule dès qu'il est confronté à une question d'ordre religieux ou moral. Expert dans l'art de surfer sur la fibre religieuse des Algériens, le parti a engrangé les dividendes de la colère contre les caricatures du Prophète (QSSSL) et de l'interdiction de l'émission télévisée Star Academy. Dans le premier cas, il a pris de vitesse les autres partis et l'Etat en plaçant la protestation des Algériens sous sa bannière. Dans le second, il a fait pression pour que l'ENTV annule le programme de chants et de danses, une première dans les annales de la télévision publique connue pour ne répondre qu'aux seules injonctions de l'Etat au plus haut niveau. On ne sait quelle sera sa prochaine victoire mais elle est à portée de main. Le MSP donne le temps au temps, jusqu'en 2012. Il a besoin du pouvoir actuel et de ses concessions à l'islamisme politique. Le gros du travail, il le fait à sa place. Alors il faut le ménager, avant le coup de grâce.