Y en a marre des syndicats préfabriqués », lâche un syndicaliste qui semble en avoir gros sur le cœur. « L'UGTA n'est qu'un appareil », dit un autre. « Il faut rendre ce syndicat aux travailleurs », renchérit-on. Les cris de colère se succèdent et veulent tous dire la même chose : « Défendons nos droits et acquis sociaux professionnels en bâtissant un syndicat fort. » L'occasion est la réunion du conseil exécutif de l'union locale de Rouiba (affiliée à l'UGTA), tenue hier, au siège national de la SNVI. Mohamed Messaoudi, secrétaire général de cette union, donne le ton dès le début de cette rencontre regroupant toutes les sections locales de la zone industrielle. Il commence par l'essentiel : les salaires. « Le travailleur, qui a une paie qui ne dure que 15 jours, travaille-t-il réellement ? Il est en fait moins qu'un mendiant. Car, lui, il est dans le besoin, mais il ne peut pas tendre sa main aux cœurs charitables ? », martèle-t-il avant d'enchaîner : « Nous ne demandons pas l'impossible. Il y a mille et une manières d'augmenter les salaires. En baissant par exemple les impôts. » M. Messaoudi, qui n'attend rien de la prochaine tripartite, tire sur les membres de la commission exécutive nationale de l'UGTA, le président du MSP, le secrétaire général du FLN et le chef du gouvernement. « Le chef d'un parti majoritaire à l'APN dit que l'augmentation des salaires est légitime. Mais pourquoi n'a-t-il rien fait lors de la présentation de la loi de finances devant le Parlement ? », s'interroge-t-il. M. Messaoudi qualifie cette attitude de Abdelaziz Belkhadem de « populiste ». « Le chef du gouvernement dit que l'augmentation des salaires est illégitime parce qu'il n'y a, dans ce pays, que les rentes pétrolières. Mais est-il légitime d'augmenter les prix du gaz, de l'électricité, de l'eau, des principaux produits alimentaires ? Est-il encore légitime d'importer des pommes de terre et des oignons ? Pourquoi une partie des Algériens bénéficie de l'argent du pétrole et pas d'autres, les travailleurs notamment ? », fulmine-t-il tout en revenant sur la question des salaires impayés depuis des mois. « Le chef de l'Exécutif dit que l'argent du pétrole va être utilisé pour réduire le chômage et nous fait du chantage en conditionnant le paiement des salaires par la fermeture des entreprises. C'est inacceptable ! », tonne-t-il. M. Messaoudi arrive à une conclusion : « Entre le discours officiel et la réalité des travailleurs, il y a un grand décalage. » Dans ce magma, on trouve l'UGTA qui cautionne tout. Il dénonce les luttes au sommet pour le contrôle de la centrale syndicale. D'autres syndicalistes abondent dans le même sens. Ils considèrent que la direction nationale de l'UGTA est « déconnectée » de la réalité du monde du travail, accusant certains d'utiliser cette organisation « à des fins personnelles ». « Les privatisations, un bradage » « Ces gens-là, il faut les chasser de l'organisation si nous voulons réellement défendre les droits et les intérêts de la base », suggère un autre syndicaliste avant d'ajouter : « La centrale syndicale vit sur la planète Mars. » Ils ne font plus confiance à leur tutelle et leur seule volonté se résume à se débarrasser de ces « vieux » qui, estiment-ils, bloquent l'activité syndicale. M. Messaoudi et les autres syndicalistes critiquent également le processus des privatisations. « C'est un bradage pur et simple », tempêtent-ils. Ils relèvent par la suite certains cas où des unités industrielles ont été vendues à des prix bas et d'autres tentatives de mettre en faillite les quelques entreprises publiques encore fiables. Les syndicalistes insistent sur le facteur d'âge. « Il y a des responsables de SGP et des DG d'entreprises dont l'âge dépasse les 70 ans. La plupart sont à la retraite. Comment confie-t-on à ces gens l'avenir de nos entreprises ? », peste un autre syndicaliste qui propose de passer à l'action et d'investir le plus rapidement possible la rue. « Nous devons passer à l'acte. Arrêtons les constats. Tout le monde connaît notre amère réalité », s'écrie-il. Passivité La réunion se termine par l'adoption de « la déclaration de l'union locale », dans laquelle les syndicalistes dénoncent « la passivité » de l'UGTA face à la dégradation continue des conditions économiques et sociales des travailleurs. Aussi, ils trouvent « inconcevable » que « la gestion des participations de l'Etat (SGP) soit confiée à des responsables retraités des entreprises dont beaucoup sont à l'origine du démantèlement et de la faillite programmée de celles-ci ». Compte tenu de cette situation, les syndicalistes se demandent : « Que fait l'UGTA ? » Ils évoquent également les répercussions de la passivité de l'UGTA, estimant que cette situation déteint sur leur crédibilité auprès de la base et auprès de leurs partenaires. Ils exigent que la centrale syndicale fasse des réformes lors du prochain congrès. « L'UGTA doit être mise à profit pour engager, lors du prochain congrès, des réflexions pour une réforme de tous les aspect relatifs à la vie de l'organisation, notamment les questions liées à l'organigramme, le financement, le patrimoine et les voies et moyens qui consacreront véritablement l'indépendance de l'organisation de toute chapelle politique ou autres », exigent-ils tout en dénonçant le silence de leur direction nationale face aux atteintes aux libertés syndicales, notamment le droit fondamental à la grève. Ils demandent le départ de tous les membres de la direction nationale dont le mandat a déjà expiré. Aussi, ils interpellent la centrale syndicale afin qu'elle mette en œuvre « les conditions nécessaires à un véritable sursaut syndical ». Pour ce faire, la centrale syndicale a jusqu'au 24 février, date fixée par les syndicalistes afin d'occuper le siège national de cette organisation si, d'ici là, rien n'est fait.