Le programme quinquennal de mise à niveau au profit de 20 000 petites et moyennes entreprises, auquel avait pourtant donné le feu vert le gouvernement à la fin de l'année 2009, n'a toujours pas démarré. La complexité et l'excès de procédures qui conditionnent sa mise en œuvre ont déjà fait perdre, un peu plus de deux années, à ce programme censé s'achever en décembre 2014. En dépit des déclarations d'intention, très peu d'importance est, en effet, accordée à cette opération souhaitée par les entreprises privées qui ne disposent pas des moyens financiers requis pour moderniser leurs techniques et moyens de gestion pour être plus aptes à affronter la concurrence étrangère. Les quatre milliards de dollars (384 milliards de dinars) de contribution de l'Etat à ce train de mise à niveau sont, de ce fait, gelés depuis au minimum deux années. Le millier de PME, qui s'étaient préparées au bénéfice de cette aide, a fini par ne plus y croire, tant leurs dossiers d'éligibilité ont longtemps végété dans les bureaux de l'ANDPME, l'Agence officiellement chargée de donner corps à leurs demandes. Sous encadrée, très mal pourvue en moyens de travail et soumise aux exigences du code des marchés publics au même titre que toutes les entreprises publiques, l'ANDPME ne peut en effet faire face aux très nombreuses demandes de mise à niveau formulées par des milliers de PME de diverses tailles et activités. Ce sont pas moins de 4000 dossiers que l'Agence était censée traiter chaque année, dès sa création en 2010, pour solder ce programme quinquennal ciblant, faut-il le rappeler, pas moins de 20 000 entreprises. La mission est pour tout dire impossible, notamment lorsque la volonté politique et les moyens viennent, comme c'est le cas, à manquer. Retard inexpliqué Après ces deux années perdues, un simple calcul arithmétique indique qu'il faudra désormais traiter pas moins de 6000 dossiers par an pour être au rendez-vous de 2014. Nous restons, là aussi, très sceptiques, car il aurait fallu pour ce faire que toute la législation et les textes d'application régissant les mises à niveau soient disponibles. Ce qui n'est malheureusement pas le cas puisque de nombreuses zones d'ombre subsistent aujourd'hui encore sur le phasage des opérations, les modalités et les sources de financement, voire même certaines prérogatives de l'ANDPME. A supposer que tout l'arsenal juridique indispensable soit promulgué durant cette année, ce qui paraît impossible au regard de l'ampleur du travail qui reste à accomplir, la prise en charge annuelle de 6000 PME requiert l'implication d'un nombre impressionnant de bureaux d'études et entités de pilotage, pour couvrir l'énorme besoin en expertises et études que requiert une aussi importante charge. C'est du reste une question d'importance que le Forum des chefs d'entreprises (FCE) n'avait pas omis de poser au Premier ministre qui ne l'a, à l'évidence, pas du tout prise en considération. Dans la correspondance du FCE, il était en effet clairement affirmé «qu'une simple projection des volumes horaires d'expertise nécessaires pour réaliser les différentes actions inscrites au programme de mise à niveau (pré-diagnostics, diagnostics, établissement des plans de mise à niveau, mise en œuvre de ces plans, actions spécifiques retenues, etc.,) et leur programmation rationnelle au cours des quatre années à venir, laissent apparaître un certain nombre de contraintes pratiques qu'il ne sera pas raisonnablement possible de lever, en dépit de la bonne volonté qui anime les équipes responsables». Ce n'est que cette semaine, soit deux années après la réception de la requête du FCE, que le Premier ministre vient de décider des modalités de financement concernant uniquement les phases de diagnostic (première procédure sur les cinq requises) qu'il délègue, sans trop de précisions quant aux procédures, au ministère de l'Industrie et de la PME. On ignore si c'est à l'ANPDME qu'échoit la responsabilité de transférer au mnistère de l'Industrie le millier de dossiers en sa possession ou, est-ce à chacun des responsables des PME concernées, de le faire avec toutes les exigences de mise à jour que requièrent les vieux dossiers, pour certains, établis sur la base de données aujourd'hui dépassées. Plus de pouvoirs et de moyens pour l'ANDPME Il faut reconnaître que le statut d'Etablissement public à caractère administratif (EPA) attribué à l'ANDPME ne convint pas du tout à ce type de missions qui requiert du dynamisme, de l'autonomie de décision et davantage de liberté en matière d'octroi de rémunérations au profit des meilleures compétences. Elle devrait, également, bénéficier d'une plus grande latitude vis-à-vis du code des marchés publics notamment lorsqu'il s'agit de choisir les experts et bureaux d'études non pas sur la base de l'offre la «moins» disante, mais sur celle «la mieux» disante. Fonctionnarisé à l'extrême et limité par la rigidité des textes qui régissent ses attributions et son fonctionnement, il y a vraiment peu de chances que cet Etablissement soit à la hauteur des missions de promotion, financement, animation, mise œuvre et coordination, d'un aussi gigantesque programme de mise à niveau. C'est pourquoi le FCE avait recommandé au Premier ministre de «reconsidérer le statut de l'ANDPME et de l'amender dans un sens qui lui confère des compétences et un pouvoir de décision et d'initiative beaucoup plus étendus, de sorte à lui donner les moyens effectifs de réaliser les missions ambitieuses que les pouvoirs publics ont mis à sa charge.» Parce qu'il n'est pas adossé à une vision prospective et à une stratégie économique claire, ce programme de mise à niveau a, à l'évidence, peu de chances d'aboutir aux objectifs souhaités. Il pourrait au mieux servir à mieux cerner le fonctionnement des PME concernées grâce aux diagnostics qui seront probablement établis et, éventuellement, à les aider à s'équiper en moyens modernes de gestion (recours à l'informatique et aux TIC). Le manque de concertation et le déficit de communication qui caractérisent la prise en charge du programme par l'ANDPME qui, de l'avis de nombreux chefs d'entreprise, se comporte comme une simple administration publique recroquevillée sur elle-même, risquent de mettre hors de course l'écrasante majorité des PME qui ne savent même pas que des possibilités de mise à niveau leur sont offertes. Ce n'est qu'à l'occasion du Salon Alger-Industries qu'un patron de PME a, à titre d'exemple, découvert dans un stand de l'ANDPME l'existence de ce programme sans toutefois être satisfait des explications données quant aux modalités d'application. Son autre grande déception a été d'apprendre qu'il était en réalité exclu du bénéfice de ce programme, car son entreprise réalise un chiffre d'affaires supérieur au maximum requis, à savoir 500 millions par an. «Si le gouvernement souhaite vraiment promouvoir les exportations hors hydrocarbures n'est-ce pas aux entreprises, comme la nôtre, qui disposent d'un bon potentiel de conquête de parts de marchés étrangers, que l'Etat doit consacrer le plus d'aides pour nous permettre d'augmenter leurs performances productives et leur marketing ? », ous avait-il affirmé, quelque peu amer.