L'ambitieux programme de mise à niveau au profit de 20.000 petites et moyennes entreprises, auquel a donné le feu vert le gouvernement algérien, risque de connaître de sérieuses difficultés d'exécution en raison d'un certain nombre d'obstacles que le Forum des Chefs d'Entreprises (FCE) vient de porter à l'attention du Premier ministre. Dans cette correspondance, le FCE interpelle notamment, Ahmed Ouyahia, sur l'extrême difficulté, voire , l'impossibilité d'assurer, en nombre et en qualité, les besoins d'expertises et études nécessaires à un programme de mise à niveau dont devraient bénéficier des milliers de PME durant les 5 prochaines années (2010-2014). Un simple calcul arithmétique indique en effet qu'il faudra traiter annuellement quelque 4000 PME et, même plus, compte tenu du fait que l'année 2010 et, sans doute, même 2011 doivent être considérées comme perdues, eu égard à l'absence de textes législatifs et réglementaires devant régir ces mises à niveau. Reconsidérer le statut de l'ANDPME A supposer que tout l'arsenal juridique indispensable soit promulgué durant cette année, ce qui paraît impossible au regard de l'ampleur du travail qui reste à accomplir, la prise en charge annuelle de 4000 PME requiert l'implication d'un nombre impressionnant de bureaux d'études et institutions publiques de pilotage pour couvrir l'énorme besoin en expertises et études d'un aussi vaste programme de mise à niveau. Dans cette correspondance adressée au Premier ministre, le FCE signale à juste titre, mais sans toutefois préconiser une solution, « qu'une simple projection des volumes horaires d'expertise nécessaires pour réaliser les différentes actions inscrites au programme de mise à niveau (pré-diagnostics, diagnostics, établissement des plans de mise à niveau, mise en œuvre de ces plans, actions spécifiques retenues, etc.) et leur programmation rationnelle au cours des quatre années à venir, laissent apparaître un certain nombre de contraintes pratiques qu'il ne sera pas raisonnablement possible de lever en dépit de la bonne volonté qui anime les équipe responsables». L'autre contrainte et, non des moindres, portée à l'attention du Premier ministre par cette association patronale a trait au statut inadapté de l'agence officiellement chargée de la conduite des opérations de mise à niveau, en l'occurrence, l'Agence Nationale de Développement de la PME (ANDPME). Cette dernière est, en effet, régie par le statut trop contraignant d'Etablissement public à caractère administratif (EPA) qui ne convient pas du tout aux missions dynamiques qui lui sont assignées. Limité par la rigidité des textes qui régissent ses attributions et son fonctionnement, il y a vraiment peu de chance que cet Etablissement soit à la hauteur des missions de promotion, financement, animation, mise œuvre et coordination d'un aussi gigantesque programme de mise à niveau en faveur duquel sont mobilisés pas moins de 384 milliards de dinars, soit environ, 4 milliards d'euros. Aussi le FCE recommande-t-il au premier ministre de «reconsidérer le statut de l'ANDPME et de l'amender dans un sens qui lui confère des compétences et un pouvoir de décision et d'initiative beaucoup plus étendus, de sorte à lui donner les moyens effectifs de réaliser les missions ambitieuses que les pouvoirs publics ont mis à sa charge». Absence d'une vision prospective Dans cette même missive, le FCE déplore également l'absence d'une stratégie économique clairement formulée sur laquelle aurait dû être adossé ce programme national de mise à niveau. Sans vision prospective, sans objectifs clairs et sans démarche cohérente, ce programme risque, à l'évidence, de dériver vers l'inconnu avec le risque de dépenser l'argent des contribuables sans résultat tangible. Le FCE recommande de commencer par faire un état des lieux précis du secteur de la PME, l'objectif étant d'aboutir à un recensement fiable de la population des PME algériennes, avec tout ce qu'elles comportent comme atouts et faiblesses. Le FCE n'a, enfin, pas omis de déplorer l'exclusion des grandes entreprises algérienne du processus de mise à niveau engagé. Il interpelle le Premier ministre sur la nécessité d'élargir le bénéfice de ce programme aux entreprises réalisant plus de 500 millions de dinars de chiffre d'affaires annuel qui en sont aujourd'hui, pour on ne sait quelle raison, exclues. Le FCE souhaite ainsi « la promotion des champions nationaux, autrement dit des entreprises ayant atteint un niveau de croissance substantiel et détenant déjà une position centrale sur leur propre marché, mais qui demandent néanmoins à être, elles aussi, stimulées parce qu'elles sont des fers de lance dans la compétition internationale ». Le Forum des Chefs d'Entreprises qui n'en est pas à sa première interpellation sur des questions centrales de gouvernance économique souvent sans résultat, sera-t-il cette fois entendu par le Premier ministre qu'on sait peu réceptif à ce type de doléance ? L'enjeu économique et financier des mises à niveau étant très important, se confiner, comme il en est coutumier, dans l'autisme et l'indifférence, reviendrait à porter un sérieux préjudice, aussi bien, à nos entreprises qu'à l'économie du pays.