Le cinquantenaire est publivore et téléphage du côté nord de la Méditerranée l Deux films offrent un regard nouveau sur cette guerre, appelée, jusqu'à récemment, pudiquement «événements». La disparition et La guerre d'Algérie sont indispensables. Paris De notre correspondant L'Etat français porte l'affaire Audin comme un fardeau, une piqûre perpétuelle qui se refuse à la conscience et à l'oubli. Juin 1957, disparition de Maurice Audin à Alger. Maurice Audin, jeune mathématicien de 25 ans, membre du Parti communiste algérien et militant de la cause anticolonialiste, est arrêté par les parachutistes français. Sa femme, Josette, et ses trois enfants, ne le reverront plus jamais. Il est peu après déclaré «évadé» par l'armée. La disparition se base sur le récit de Pierre Vidal-Naquet L'affaire Audin. L'historien démontre méthodiquement la culpabilité de quelques militaires et, au-delà, les responsabilités du dispositif politico-militaro-judiciaire institué à partir de 1956 à Alger pour tenter de contrôler la crise. «La disparition joue sur deux temporalités. A ‘‘l'évasion'' de 1957, répondent aujourd'hui d'autres risques de disparitions : l'oubli et l'indifférence. La torture ne s'est pas arrêtée avec Maurice Audin. En Algérie, d'autres Français et des milliers d'Algériens ont connu un sort comparable avant que cette pratique ne vienne s'exercer en France même, contre les militants du FLN. Plus tard, ce sont les harkis, puis des membres de l'OAS qui en ont été victimes, ce contre quoi Pierre Vidal-Naquet et le comité Audin se sont à nouveau insurgés. En Amérique du Sud (Panama, Argentine) et plus récemment au Proche-Orient ou à Guantanamo, répression et renseignement ont continué de rimer avec torture», explique le réalisateur François Demerliac.S'appuyant sur différents documents et témoignages, le film offre un autre regard sur la guerre d'Algérie, à travers le sort d'un militant pacifique, tué dans des conditions confuses. Yves Courrière, la référence Le titre, à lui seul, définit l'ambition des deux réalisateurs. Yves Courrière et Philippe Monnier ont intitulé sobrement leur documentaire La guerre d'Algérie. Quarante ans plus tard, le film reste «la» référence. Les formes d'écriture, de narration, de montage ont évolué depuis les années 1970. Le documentaire historique est devenu un genre particulier, très prisé par le téléspectateur, complètement révolutionné par la BBC. Pourtant, à regarder à nouveau le premier documentaire, jamais réalisé sur la guerre d'Algérie, n'a pas pris une ride. Toujours aussi passionnant, passionné. Le journaliste Yves Courrière, auteur de quatre livres incontournables sur la guerre d'indépendance, a su faire preuve d'objectivité. «Honnête», préfère-t-il dire. A sa sortie, le film a créé un électrochoc. Bizarrement, à l'occasion du 50e anniversaire de l'indépendance, les conditions dans lesquelles est sorti le documentaire ont beaucoup et peu évolué. La crispation mémorielle est toujours présente, les différentes parties arc-boutées sur leurs certitudes. Le cinquantenaire est publivore et téléphage du côté nord de la Méditerranée. Cette profusion, au lieu de donner un coup de vieux au premier film sur ce sujet, lui donne au contraire une autre stature. Les éditions Montparnasse ont eu la bonne initiative de rééditer ce documentaire, réalisé en 1972 par Yves Courrière et Philippe Monnier. Cette nouvelle édition comprend quatre entretiens avec des historiens spécialistes de la guerre d'Algérie (Benjamin Stora et Georges Fleury) et les militants Raoul Girardet (OAS) et Pierre Vidal-Naquet (Comité Audin).