En prévision de sa prochaine visite en Inde, dimanche prochain, Jacques Chirac s'est « saisi directement » de l'affaire du porte-avions Clémenceau. Depuis une semaine, les autorités françaises subissent les foudres de l'opposition, des associations écologistes et même la suspicion de l'Europe. La polémique porte sur la quantité des produits toxiques contenus dans l'ex-fleuron de la marine française. En effet, le navire, qui a commencé sa route vers l'Inde depuis le 31 décembre 2005 pour y être désamianté et démantelé, et qui est à présent à quinze jours de mer du chantier d'Alang (sud du pays), n'est pas assuré de finir ses jours en Inde. Le Congrès indien n'a toujours pas donné son accord pour son entrée dans les eaux territoriales du pays. Ce dernier attend les conclusions d'experts censés donner la quantité exacte de produits toxiques contenus dans le navire et s'ils sont conformes aux lois indiennes sur l'environnement ainsi qu'aux lois internationales sur l'externalisation des déchets toxiques. La France, quant à elle, est dans le collimateur de l'Europe : la convention de Bâle interdit le transfert de déchets vers des pays non membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), dont l'Inde ne fait pas partie. La ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, se décharge de la responsabilité et saisit la justice en demandant au procureur de Marseille d'ordonner une enquête sur des « présomptions d'irrégularités » lors de la première phase de désamiantage à Toulon. Le responsable : l'entreprise Technopure, chargée d'une partie du désamiantage en 2004. Le ministère français de la Défense a assuré, pour sa part, que le Clémenceau ne contient plus que « 45 t de matériaux amiantés qui ne pouvaient être retirés sans menacer la structure du navire ». Paris affirme que cette convention ne s'applique pas au Clémenceau, qui reste considéré comme un bâtiment de guerre. Par ailleurs, un rapport d'experts, rendu public par l'association Greenpeace le 3 février, vient envenimer le dossier : ils estiment que le navire contient encore entre 500 t et 1000 t d'amiante. Ce rapport dément celui effectué par l'entreprise française Technopure. Les tergiversations de la défense ainsi que le flou artistique quant au chiffre exact de produits toxiques contenus dans le navire prennent aujourd'hui des proportions inattendues : le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative française, pourrait être saisi pour statuer sur la « suspension » éventuelle du transfert du porte-avions en Inde.