C'est la problématique à laquelle ont tenté de répondre des entrepreneurs et des responsables de certaines écoles de formation autour d'une table au siège d'El Moudjahid. Bien que le thème soit éminemment stratégique, l'assistance a été plutôt modeste. Cela dénote, à l'évidence, le peu de cas fait à la formation dans un pays où les décideurs s'accrochent fiévreusement à la rente de situation que procurent les hydrocarbures. Pourquoi donc former des experts et des cadres compétents dès lors que le sol et les sous-sol nous assurent aisance et opulence sans coup férir ? C'est le constat malheureux fait par ces dirigeants des quelques écoles privées d'excellence qui offrent vainement leurs savoirs en matière de management à des entreprises publiques et privées économiques rongées par la sclérose. Pour Belkessam Mohamed Chérif, directeur général de l'Ecole supérieure de gestion (ESG) privée, les pouvoirs publics sont en train de pousser les compétences algériennes à fuir le pays du fait d'un environnement managérial hostile. Il en veut pour preuve que les désignations à des postes de responsabilité dans les entreprises publiques n'obéissent pas à des critères objectifs et scientifiques mais plutôt au népotisme, voire au tribalisme. Dans un milieu pareil, les cadres compétents n'ont d'autre choix, d'après lui, que de prendre la poudre d'escampette et aller monnayer leurs talents dans un ailleurs forcément... meilleur. Le patron de l'ESG révèle ainsi que les experts algériens qui ont piloté le programme MEDA avec leurs homologues européens ont été humiliés financièrement. Ils n'ont perçu en effet que 250 euros d'émoluments par jour, pendant que les étrangers pourtant d'égale valeur ont empoché 10 fois plus avec une prise en charge dans un hôtel 5 étoiles. « Il ne faudrait donc pas s'étonner de voir que 10 000 médecins algériens font le bonheur des hôpitaux en France et que 50 000 cadres participent au développement économique du Canada », assène M. Belkessam qui pointe un doigt accusateur vers les pouvoirs publics. Amor Zebbar, qui est un manager leader dans les nouvelles technologies, est plus cru : « Le mal est à chercher dans le système éducatif en général et l'enseignement professionnel dont les formations sont en parfait déphasage avec les réalités économiques. » Aussi, l'intervenant insiste sur les grilles des salaires des formateurs qui découragent les plus téméraires des enseignants. M. Zebbar est convaincu que les blocages sont d'ordre « politique ». Il en veut pour preuve qu'il n'existe aucun cadre de concertation entre les différents dispositifs de formation. Aussi le divorce est-il consommé entre les formateurs et les utilisateurs (les entreprises) d'après lui. L'option de « l'algérianisation de l'université » a fait à ses yeux des dégâts incommensurables à l'économie nationale avec, notamment, le départ des coopérants et l'arabisation de programmes. « Comment voulez-vous former des compétences quand on vous oblige à enseigner le marketing industriel en arabe ? », s'interroge-t- il. Le directeur de l'ESG enchaîne que l'usage économique des nouvelles technologies en Algérie est réduit à l'ouverture des... cybercafés. « Maintenant, fini le bricolage, la mondialisation impose de nouvelles règles de management et des instruments de gestion qu'on ne peut acquérir que dans les grandes écoles spécialisées. »