Près de 15 tonnes de résine de cannabis d'une qualité supérieure ont été saisies en moins de trois mois dans l'extrême ouest du pays par les services de la gendarmerie nationale, la douane et les éléments de la police de lutte contre les stupéfiants de Tlemcen. Jamais, dans cette région d'Algérie, une telle quantité n'a été saisie en si peu de temps. Comment peut-on expliquer cette frénésie inhabituelle des narcotrafiquants en cette période de l'année ? La wilaya de Tlemcen est-elle devenue la plaque tournante du trafic de drogue intermaghrébin ? Revenons un peu en arrière, d'abord, pour quantifier la gravité de ce phénomène à l'échelle nationale. Pour l'exemple, en 2008, plus de 38 tonnes de drogue ont été saisies en Algérie contre 4 tonnes en 2007. L'année qui avait suivi, selon les estimations de responsables sécuritaires, le chiffre avait augmenté pour atteindre 60 tonnes. Avec, cependant, cette précision de taille «les quantités qui pénètrent sur le marché algérien sont beaucoup plus importantes. Celles qui dorment dans des caches, attendant la période du convoyage, peuvent représenter plus de dix fois la quantité». Effarant ! Les barons informés par leurs relais De tous les temps, les narcotrafiquants se partageaient le territoire pour faire passer leur came du sol chérifien (Maroc oriental) vers l'Algérie : Adrar, Béchar et Tlemcen avaient ce sinistre esprit de concurrence. Qu'est-ce qui a donc fait que les boussoles soient orientées vers la wilaya de Tlemcen, précisément du côté du tracé de Béni Boussaïd (Roubane), Bab El Assa (Boukanoun) et Akid Lotfi (Maghnia) ? Des langues, au fait de ce trafic, essaient de se délier. «Les autorités ont resserré l'étau sur nos frontières du sud pour des raisons qu'on pourrait expliquer par la lutte contre les terroristes d'Al Qaïda, d'où le recours des trafiquants à la ligne Morice (Béni Boussaïd, Maghnia, Bab El Assa) dans la wilaya de Tlemcen. Et pour ceux qui connaissent le mode de leur fonctionnement, les barons algériens disséminés un peu partout, ayant leur relais sur la bande frontalière et leur prolongement avec les caïds de l'autre côté de la barrière, notamment à Oujda, Nador et Fès pour ne citer que ces provinces du Royaume, ne fléchissent pas. Ils sont très bien informés sur tout, notamment sur le mode opératoire des services de sécurité. Ils ont toujours une longueur d'avance sur ceux qui les traquent, à la faveur de leurs privilèges qu'ils ont dans les entrailles même de ceux qui sont payés pour lutter contre ce trafic». Pour peu qu'on paye le prix… Mais alors, comment expliquer ces saisies importantes dans des intervalles réduits et pratiquement dans un même espace, le même point de passage, dirions-nous ? «Moi, je change la formule de la question : le 1er janvier 2012, les gendarmes ont saisi près de 5 tonnes de kifs, cinq jours plus tard, la brigade des stups en a fait presque autant avec plus de 3 tonnes. Il y a une quinzaine de jours, les différents services de sécurité ont mis la main, coup sur coup, sur près de 10 tonnes de kif… Est-ce une coïncidence ou, comme le ils disent - et je reprends la formule des différents services de sécurité - le fruit de plusieurs semaines de renseignement et de filature?» Notre interlocuteur, sceptique quant à ce succès qu'il qualifie d'inopiné des services de sécurité, affirme : «Il ne faut pas oublier, d'abord, que toutes ces quantités de stupéfiants sont saisies loin des tracés frontaliers; des quantités transportées à bord de semi-remorques et de véhicules immatriculés au Maroc. C'est à croire que ce transport entre le Maroc et l'Algérie se fait sur une autoroute officielle ?!» L'insinuation est flagrante. «Nous savons tous qu'il existe plus d'une vingtaine de postes avancés, des rondes des différents services de sécurité sur la bande frontalière. Mais quand on voit qu'on peut traverser la frontière en payant 2 000 DA, sans être fouillé, il y a de quoi se poser la question. Si on peut faire passer des spiritueux, des agrumes et autres, on peut faire passer la drogue, à dos d'âne ou dans des véhicules, c'est pareil, puisqu'on a le feu vert; pour peu qu'on paye le prix !» Sur la route de l'unité, comme on l'appelle ici, il se passe des choses bizarres….