Une avalanche d'affaires judiciaires a été intentée contre l'ancienne direction de la Chaîne III. Les plus récentes ont été introduites par deux correspondants à l'étranger, déterminés à saisir la Cour suprême. «Notre déception est grande, mais nous faisons confiance à la justice algérienne et espérons qu'en introduisant notre dossier devant la Cour suprême, il sera accordé plus d'attention à notre préjudice», lance le correspondant de Bruxelles, Arezki Mokrane. «En fait, le réseau des correspondants de la Chaîne III à l'étranger a été arbitrairement interdit d'antenne et nous avons saisi la justice de notre pays parce que nous avons subi une épuration punitive», ajoute la correspondante de Rome, Nacéra Benali. «Nous ne comprenons pas ce jugement, car nous avons présenté les documents émanant de l'entreprise, y compris un contrat de travail en bonne et due forme, attestant notre rémunération fixe depuis des années. De plus, les enregistrements de nos envois quotidiens et de nos rubriques fixes existent au siège de la Radio, boulevard des Martyrs. Pour ma part, j'ai commencé à travailler pour la Chaîne III en 1988… Près d'un quart de siècle de dévouement constant récompensé de la sorte», déplore Arezki. Rémunération dérisoire «Nos droits ont été bafoués par l'ancienne direction qui croit ne devoir rendre compte à personne. La Chaîne III appartient à tous les Algériens et non à des dirigeants interchangeables. Nous sommes des citoyens algériens, nous votons et payons nos impôts, même si on vit à l'étranger. Notre attachement à la radio nationale découle de notre attachement à notre pays, en témoigne notre rémunération dérisoire et symbolique. Nous avons dignement représenté ce média à l'étranger et lui avons garanti la priorité de nos envois audiovisuels. Nous sommes déçus par cette première décision de justice, mais nous comptons sur l'étude attentive de notre dossier par les juges de la Cour suprême. Pour nous, c'est une question de principe et de dignité. On ira jusqu'au bout, en saisissant tous les organismes internationaux qui protègent les journalistes», nous affirme la correspondante de Rome. Par ailleurs, si ces correspondants avaient fourni un travail insuffisant par manque de compétences, il est évident que la direction n'aurait pas attendu des décennies pour mettre fin aux contrats qui la lient à ces journalistes et n'aurait pas versé leurs contributions sociales, bien que de manière discontinue, à la CNAS. En septembre 2010, quatre correspondants de la Chaîne III ont été éjectés, car ils avaient refusé d'être rémunérés désormais à la pige après avoir été au service de la radio d'Etat pendant des années et contre un salaire modeste d'à peine 20 000 DA. Le directeur de la chaîne, à l'époque Chadli Boufaroua, avait promis aux membres du réseau des correspondants à l'étranger, dans un courrier officiel, de maintenir leurs salaires fixes et d'améliorer les conditions d'exercice de leur métier. Malheureusement, il n'a jamais tenu ses engagements. Pire, la rédaction a tout simplement cessé du jour au lendemain de les solliciter et a bloqué leur salaire. Auditeurs sanctionnés Les victimes de cette marginalisation punitive ont saisi, sans recevoir aucune réponse, le ministre de la Communication, Nacer Mehal, qui a été lui aussi correspondant à l'étranger, bien qu'avec un statut particulier, payé en devises, grâce à son poste à l'Agence Presse Service (APS). Les journalistes boycottés ont déposé également une plainte auprès du ministère du Travail, mais les responsables de la radio ont pratiqué la politique de la chaise vide en attendant qu'un procès-verbal de non conciliation soit établi. Il ne restait alors aux journalistes écartés abusivement que d'avoir recours aux tribunaux. A cause d'une décision arbitraire et illégale, les auditeurs de la Chaîne III sont privés, depuis, de quatre voix, des plus appréciées par le public de la radio et qui restent très sollicitées par de grands médias nationaux et internationaux. Des capitales européennes et asiatiques très importantes : Bruxelles, Londres, Rome, Genève, New Delhi ne sont plus couvertes par la Chaîne III depuis un an et demi alors que l'actualité exige une vision permanente de la situation à l'étranger par des journalistes professionnels algériens. «Notre communauté à l'étranger a perdu ainsi des relais importants pour pouvoir parler de ses problèmes et garder un contact avec la patrie. Désormais, nos concitoyens sont cooptés par d'autres médias qui font l'apologie de l'intégrisme», dénonce le correspondant à Londres, Boudjemaâ Selimia. Le nouveau directeur de l'ENRS, qui a reçu l'un des correspondants «punis», a affirmé n'être pas au courant de ce conflit. D'autres cadres de la direction en place à l'époque, contactés, n'ont pas souhaité nous répondre. Singulièrement, les responsables de cette épuration ont été, depuis lors, promus à de nouvelles fonctions, plus importantes au sein des médias publics… Pour bons et loyaux services rendus ?