A trop se fier aux statistiques données par les officiels, on aurait tendance à penser que la situation est des plus maîtrisables. Or, il n'en est rien. Ainsi, au chapitre de l'accroissement des activités du commerce informel, la direction de la concurrence et des prix d'Alger recense 98 marchés et plus de 4000 activités économiques, échappant au contrôle de l'Etat. La DCP, dans son rapport d'activité pour l'année dernière, fait remarquer une « évolution » du nombre des marchés informels, malgré « les efforts des autorités locales » qui ont éradiqué 23 marchés, et la proposition de 124 sites susceptibles d'accueillir des marchés aux « normes ». Toujours dans le registre des efforts de l'administration de la wilaya, trop imposants pour être vus, la DCP programme l'ouverture, à travers 20 communes de la capitale, de 23 marchés couverts et 38 marchés de proximité. En matière d'intervention, dans le cadre de ses missions de contrôle, la DCP fait état de 32 000 interventions, sanctionnées par 17 489 procès-verbaux, et ce, concernant le contrôle des pratiques commerciales, qualité et répression des fraudes. Il en ressort ainsi que plus de la moitié des « opérateurs » contrôlés étaient en infraction. A ces interventions s'ajoutent 978 propositions de fermeture administrative, le prélèvement de 720 échantillons aux fins d'analyses microbiologique et physicochimique et la saisie de 132 tonnes de produits alimentaires et non alimentaires d'une valeur excédant les 15 millions de dinars. Le montant global de défaut de facturation relevé avoisine, quant à lui, les 20,5 milliards de dinars. Défaut de publicité de prix, défaut de facturation, exercice sans titre légal, opposition au contrôle, pratiques commerciales illicites ou frauduleuses sont entre autres les principales infractions constatées par les services de la DCP, lors des interventions ayant ciblé la chaîne de distribution de gros et de détail et le secteur de production de biens et services. Pour ce qui est des contrôles de la qualité, le nombre d'interventions a atteint 10 000, sanctionnées par l'établissement de plus de 5388 PV, soit un taux infractionnel de 52%. Les secteurs du détail et des services sont les plus touchés par les « descentes » des services concernés, au même titre que la distribution du gros. Le secteur le moins ciblé par le contrôle est sans conteste celui de l'importation, avec seulement 62 interventions l'an dernier, soit un taux interventionnel de... 0,60%. De quoi s'interroger sur ce qui motive un tel désengagement, quand on sait l'importance et le poids du segment de l'importation dans l'économie nationale. Des infractions établies par les-dits services, celles se rapportant au non-respect des règles d'hygiène, occupent le haut de l'affiche avec un taux de 44%. Le fait n'étonne personne, tant la pratique commerciale algéroise défraye la chronique par l'anarchie et l'insalubrité ambiantes. Vente à même le trottoir d'aliments en tous genres, extensions non-autorisées de devantures de commerce, tricheries, arnaques, squat des artères par des essaims de revendeurs... travestissent dans un consensus presque généralisé la notion de l'activité commerçante. L'infraction liée à la non-conformité des produits aux spécifications légales et techniques est présente au taux de 15%. A cette dernière s'additionnent l'absence d'auto-contrôle, les falsifications et tromperie, les défauts d'étiquetage et de garantie. Les interventions liées au volet du contrôle de la qualité, indique la DCP dans son rapport, ont donné lieu à la saisie de 115 tonnes de produits d'une valeur de 11 millions de dinars et à 401 propositions de fermeture d'établissements. Combien d'entre-elles sont devenues effectives ? Personne ne peut se targuer d'y répondre ferme. D'autant plus que le nombre de dossiers de poursuites judiciaires transmis au parquet est de l'ordre de 5465. Le rapport précité ne précise en aucun cas les suites qu'a données la justice aux affaires concernées. Les limites qu'ont les autorités de wilaya à structurer et contrôler l'activité commerciale sont dues, selon le directeur du commerce, M. Lamari, essentiellement au manque d'effectif. La direction du commerce ne dispose que de 157 agents opérationnels pour contrôler 130 000 commerçants exerçant à Alger. « Il est nécessaire, affirme-t-il, de doter la direction du commerce de moyens matériels et humains » pour parer un tel déséquilibre. Lamari déplore par ailleurs la non-implication des associations de protection des consommateurs et aussi le peu de crédit qu'on leur accorde. Le citoyen se doit aussi de s'impliquer davantage pour assainir la situation. Les données établies par les services de la DCP demeurent tout de même en deçà de la réalité, tant celle-ci se présente aux consommateurs avec ses facettes les plus détestables. Le laisser-faire et le désengagement des autorités face à la déferlante des commerçants dits informels ne manqueront sûrement pas de perpétuer pour longtemps encore le préjudice porté à l'Etat et au citoyen.