Houssam Ettaouil, palestinien de confession chrétienne, âgé de 40 ans, natif de la ville de Ghaza, est l'un des 132 membres du nouveau conseil législatif palestinien, dominé par le mouvement islamiste Hamas avec 74 sièges. Ce mouvement s'est offert le luxe de faire élire 4 candidats indépendants dont 3 à Ghaza et 1 en Cisjordanie. Houssam Ettaouil célibataire est l'un d'eux. Dans un appartement modeste du quartier Tel El Hawa à Ghaza, où il réside avec sa mère, il nous a cordialement accordé cet entretien. Vous êtes Palestinien chrétien, mais vous avez été élu grâce au soutien du mouvement Hamas. Comment cela ? J'ai l'honneur d'avoir bénéficié du soutien du mouvement Hamas, mais je voudrai clarifier que je me suis présenté en tant qu'indépendant. J'ai été aussi soutenu par plusieurs autres mouvements palestiniens dont la FPLP, le FDLP, Fida et le parti du peuple. Bien sûr que le plus grand soutien était celui du mouvement Hamas, ce qui a suscité des interrogations, en dehors de la Palestine. Comment un mouvement islamiste tel que le Hamas soutient un chretien, indépendant, qui n'est pas sur sa liste électorale ? Mais en Palestine, nous savons tous que notre société est unique en son genre. En tant que Palestiniens, nous vivons vraiment dans une société unifiée, où règnent une véritable fraternité et une véritable unité entre musulmans et chrétiens. En tant que Palestiniens chrétiens, nous sommes une partie intégrante du tissu social, liés avec nos frères musulmans par les traditions, les coutumes, la géographie, l'histoire, l'unité de l'espoir, l'unité de la souffrance, l'unité du but et l'unité du destin. Nous sommes des Arabes (Ghassassena) dont les grands parents ont participé aux côtés de Salah Eddine à la libération de la ville sainte, au repli des croisés qui représentaient à l'époque la tête de pont du projet colonial occidental. C'est dans cette dimension nationaliste et militante que nous nous plaçons, et nous ne trouvons donc rien d'étrange au fait qu'un mouvement islamiste soutient un candidat chretien. En terre palestinienne, nous nous respectons les uns les autres. Les chrétiens respectent la religion musulmane et les musulmans respectent la nôtre. Qu'avez-vous trouvé chez le Hamas et que vous n'avez pas trouvé chez les autres mouvements palestiniens ? Si vous voulez dire qu'est-ce que je n'ai pas trouvé chez le Fatah. Je n'ai pas reçu le soutien officiel du Fatah, bien que je croie avoir bénéficié du soutien de la base, car pour ce mouvement, le candidat chrétien doit être sur sa liste électorale et donc un membre du Fatah. La loi électorale a identifié les chrétiens par un système de quota qui leur permet d'avoir un certain nombre de membres au clp. Je suis contre ce système de quota, car comme je l'ai déjà dit, nous ne sommes pas une communauté isolée au sein de la société, qui attend que la loi défende ses intérêts. Mais puisque cette loi existe et puisqu'il y a un quota pour les chrétiens, je pense qu'ils ne devraient pas être sur les listes électorales des différents mouvements qui vont donner l'impression de vouloir s'assurer un siège de plus, en tant que nombre et pas autre chose. Comme ça, nous chrétiens, nous risquons de perdre notre dignité nationale, en devenant un objet de convoitise politique. Tant que ce système existe, je pense que les candidats chrétiens doivent se présenter en tant qu'indépendant et former des alliances basées sur les concordances de leurs programmes politiques avec ceux des différentes forces politiques palestiniennes. Je vois qu'on devra se joindre aux différents mouvements politiques lorsque le système de quota sera annulé et pas avant. C'est ce qui m'a poussé à nouer une alliance politique avec le Hamas. Quelle sera votre position au cas où le mouvement islamiste Hamas propose l'application de la charia islamique dans les territoires palestiniens ? La réponse aurait été difficile s'il n'y avait pas une clarté dans la vision lors de la mise en place de l'alliance politique avec le mouvement Hamas qui a été possible grâce aux points de convergence entre mon programme politique et celui du Hamas. Ils se concentrent essentiellement sur la cause nationale palestinienne, d'un côté, appelant au retour des réfugiés, au droit à la résistance, reconnu par le droit international bien que je sois de l'avis que cette résistance doit s'effectuer dans un cadre unitaire palestinien, au droit à l'indépendance dans un Etat palestinien avec El Qods comme capitale. D'un autre côté, je suis prêt à mener une rude bataille contre la corruption, non pas à travers une guerre civile, mais par des instruments légaux, car je crois fermement que la loi doit être au-dessus de tous. Du point de vue législatif, il sera du ressort du groupe Hamas au clp. Nous respectons leur droit à appeler à l'application de la religion mais nous savons aussi que les musulmans respectent notre religion et notre spécificité, qu'ils ne nous forceront pas à faire quelque chose contre notre gré, qu'ils ne toucheront pas à l'aspect de notre vie chrétienne, en accord avec El Ohda El Omaria, dans laquelle le khalife Omar Ibn El Khatab a clarifié la relation entre chrétiens et musulmans en Palestine. Je dirai même qu'il y a des points de convergence au niveau du programme de société. Nous sommes des chrétiens conservateurs, nous conservons nos habitudes et nos coutumes et sommes contre toute sorte de libertinage. Est-ce que votre alliance avec le Hamas a eu une quelconque influence sur vos relations avec la communauté chrétienne ghazaouite ? Au cours de la campagne électorale, j'ai tenu une réunion avec les représentants de la communauté chrétienne, auxquels j'ai expliqué mon programme politique, comme j'ai donné un aperçu sur les alliances politiques que j'ai conclues, surtout celle avec le mouvement Hamas. Après un débat approfondi, j'ai réussi à avoir l'aval des représentants de la communauté qui m'ont encouragé à aller de l'avant. Après ma réussite aux élections, j'ai reçu les congratulations de la société chrétienne ghazaouite. La plupart des membres de la famille chrétienne sont venus me féliciter directement chez moi. J'ai reçu, par ailleurs, les félicitations des chefs religieux ghazaouites, les pères Alexios et Artenios. j'ai aussi reçu le père Elias Aouad, envoyé par le patriarche Theophilios de l'église orthodoxe d'El Qods, qui m'a décerné la médaille Beit Lehem 2000. Comme j'ai reçu les félicitations du père militant Attallah Hanna. Ma relation avec la famille chrétienne dont je suis fier est donc restée très bonne. Pensez-vous que le Hamas va pouvoir gouverner malgré les réalités politiques internationales et régionales ? L'Occident menace de stopper ses aides et en même temps contredit ses propres principes et convictions envers la démocratie. Les Etats-Unis ont même exercé des pressions sur Israël afin que ces élections puissent avoir lieu, surtout, dans la ville sainte. Je pense que la communauté internationale va devoir travailler avec le nouveau paysage palestinien, pluriel et unitaire. A lui seul, le mouvement Fatah ne représente pas le peuple palestinien, le Hamas seul ne représente pas non plus le peuple palestinien, les forces de la gauche seules, aussi, ne représentent pas le peuple palestinien. Si la communauté internationale refuse de coopérer avec le nouveau régime à cause de la victoire du Hamas, les Palestiniens seront alors dos au mur. Le monde entier sait que si les Palestiniens ne ressentent pas une sécurité civile et sociale, il sera normal alors que personne ne puisse jouir de cette sécurité. Il y a donc un intérêt collectif, que ce soit pour les Palestiniens ou leurs voisins dans la région et même pour le reste du monde. Quant à la question de la charte du Hamas, je ne me rappelle pas que le monde a demandé au Likoud, de reconnaître l'OLP avec laquelle Rabin avait conclu au nom d'Israël les accords d'Oslo. Il sera juste de demander au groupe Hamas au niveau du clp ainsi qu'au nouveau gouvernement de reconnaître tous les accords déjà signés et que je sache, toutes les déclarations des responsables de ce mouvement vont dans ce sens.