La famille Osmane : le père, la mère et la sœur, étaient présents à la modeste cérémonie, organisée au cimetière El Kettar, par le Parti socialiste des travailleurs (PST). A cette occasion, une gerbe de fleurs a été déposée sur le caveau où repose son frère, également militant de la gauche révolutionnaire. Redouane Osmane n'est pas mort ! Surtout pas un 1er mai, fête internationale du Travail. Par ses luttes fécondes et innombrables, parfois sisyphienne, le syndicaliste, assurément le plus percutant de ces 40 dernières années, a enjambé à jamais le pont de la postérité. Un bel hommage a été rendu hier – par ses camarades, compagnons de lutte, militants des droits humains et syndicalistes – à celui qui a été la fine fleur du syndicalisme algérien, son bras de fer, décédé il y a de cela presque cinq ans, le 14 décembre 2007. Une crise cardiaque l'avait terrassé alors qu'il donnait un cours à ses élèves au lycée Emir Abdelkader, à Bab El Oued. A l'occasion, une gerbe de fleurs a été déposée sur le caveau, où repose également son frère, aussi militant de la gauche révolutionnaire. La famille Osmane : le père, la mère et la sœur, étaient présents à la modeste cérémonie, organisée au cimetière El Kettar, par le Parti socialiste des travailleurs (PST). Les flics aussi. «Même mort, il vous a fait quand même traînés ici !», lance, en dodelinant de la tête, une militante à un des policiers en civil postés à l'entrée de la grande nécropole algéroise. La prise de parole qui a suivi la cérémonie a viré à l'éloge panégyrique. Sans fard toutefois ni faux-semblant. Des témoignages empreints de fidélité à l'homme et à son idéal socialiste comme ceux de Belhadj, du syndicat des travailleurs du Port d'Alger, Rouani Djamel, militant syndicaliste qui fulminait contre le détournement de symboles. «Le 1er Mai n'est pas, rappelle-t-il, la fête du foot et des ‘'fouteux'', mais la fête des Travailleurs». Hakim Addad, secrétaire du FFS pour la jeunesse, ancien président de RAJ (candidat aux législatives à Alger), appelle à soutenir «tous les Osmane», militant, syndicaliste qui comme Kherba, du Comité des chômeurs, «risque (ce jeudi) 3 ans d'emprisonnement». Hocine Zahouane, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, rappelle l'engagement de l'homme contre toutes les formes d'oppression et d'injustice. «La veille de sa mort, on s'est vu pendant deux heures : il m'avait parlé de son projet de construction d'un pôle fédérateur de toutes les forces sociales, de la nécessité de donner à celles-ci un prolongement politique.» «Redouane se battait, déclare-t-il, sur tous les fronts, débordant d'énergie : il avait la flamme, une étincelle dans les yeux.» Pour Mahmoud Rachdi, SG du PST, Redouane est resté jusqu'au bout égal à lui-même. «Il n'a jamais cessé de lutter, affirme-t-il : de construire le mouvement ouvrier. Il est resté lorsque la guerre civile a éclaté, au moment où d'autres se terraient, fuyaient ou retournaient leur veste. Nous lui renouvelons aujourd'hui le serment des luttes qui continuent et lui disons : nous sommes toujours fidèles au projet socialiste, fidèles au projet d'une société où règne la justice sociale et où l'exploitation, la hogra (arbitraire), les discriminations seront bannies.» Une fois n'est pas coutume, Zineb Belhamel du Conseil des lycées d'Algérie (CLA), syndicat du secondaire fondé par Redouane Osmane, ne donne pas de la voix, ou si peu, très tremblotante en les circonstances. La figure d'Osmane a subi, selon elle, l'ostracisme de certaines forces politiques, parce qu'elle les renvoyait à leur médiocre conception du militantisme. «Redouane a donné à tous une leçon d'humilité, d'incorruptibilité, d'engagement sain et sans faille. L'Algérie ne se construira que par les bras d'authentiques militants comme Redouane, dit-elle, et non pas avec des pseudo-militants, terrés dans des bureaux et s'enfermant au sein de leur état-major.» Redouane était, ajoute-t-elle, généreux à s'oublier lui-même : «Il n'a jamais cédé à la répression impitoyable ni à la tentation. Il a vécu humble, n'a pas amassé de fortune, n'avait même pas de logement.» Sa collègue du CLA la rattrape au vol : «Si ! Osmane a bien eu un appartement mais il l'a cédé à une enseignante retraitée qui en avait plus besoin.»