Etat d'alerte dans les états-majors des partis politiques. Sonnés par les résultats officiels du scrutin législatif de jeudi passé, ils sont unanimes à dénoncer «la confiscation de la volonté populaire» et menacent le pouvoir d'une riposte commune et «forte». Et c'est le président du Front pour la justice et le développement (FJD), Abdallah Djaballah, qui prend l'initiative d'associer les autres partis politiques, en colère, à ne pas siéger dans la future Assemblée nationale. Visiblement désarçonné par le très faible score qu'il a réalisé (7 sièges), il brandit la solution à la tunisienne. Un soulèvement populaire. «Ce ne sont pas des élections ; le terme fraude est faible pour qualifier ce qui s'est passé le 10 mai. Le pouvoir a arrêté les résultats à l'avance et nous regrettons que l'institution militaire soit impliquée. La seule réponse à donner au pouvoir c'est de boycotter la future Assemblée nationale si l'on veut réellement faire trembler les fondements du système. Nous sommes en contact avec l'ensemble des partis politiques pour une réaction concertée et commune. Les communiqués de dénonciation ne servent plus à rien», a déclaré, hier, Abdelghafour Saâdi, vice-président du FJD. Le parti de Djaballah a pris attache avec le MSP, Ennahda, El Islah (de l'Alliance verte), le FFS, le PT, le FD et le FNA. Les autres formations politiques auront-elles le «courage» d'abandonner leurs sièges au Parlement pour provoquer une sérieuse crise politique dans le pays qui obligerait le pouvoir à revoir ses calculs ? Pas si facile. Rares sont les fois où la classe politique a été «unie» pour faire face au pouvoir, hormis le retrait des 6 candidats à l'élection présidentielle de 1999 qui reste dans les annales politiques. De son côté, la coalition des trois partis islamistes sous la bannière de l'Alliance verte, qui a vu rouge au soir des élections législatives, se dit favorable à une position commune «pour redresser le processus démocratique et mettre en échec les partisans du retour à avant Octobre 1988». «Tous les choix sont envisageables. Plusieurs propositions sont sur la table et effectivement, le boycott de l'APN en est une», a affirmé Abderrezak Mokri du MSP, qui dit que des contacts sont en cours avec les autres partis de différentes obédiences pour agir en rangs serrés. Dans un communiqué d'une rare virulence, les trois partis islamistes estiment que les résultats des élections législatives «marquent le retour du train des réformes à la case départ et le retour du pays à l'ère du parti unique». Le Parti des travailleurs, qui a pourtant dénoncé «un coup de force inacceptable», reste prudent quant à sa réaction. Le PT est préoccupé par les recours. «Pour le moment, nous sommes préoccupés par les recours à faire pour reprendre ce qui nous a été pris. Nous avons effectivement été contactés par d'autres partis pour élaborer une stratégie commune, mais nous attendons la réunion du bureau politique cette semaine pour prendre les décisions nécessaires. On n'anticipe pas», a indiqué hier le porte-parole du parti, Djelloul Djoudi. Le FFS, qui a obtenu 20 sièges, préfère attendre avant de se lancer dans une quelconque bataille avec les autres forces politiques. «Nous avons été contactés, mais nous sommes au stade de l'évaluation des résultats. Nous réagirons après la validation des résultats par le Conseil constitutionnel», a expliqué Chafaâ Bouiche, chargé de communication du parti. Cependant, nombre d'observateurs de la scène politique nationale se demandent si les partis sont réellement déterminés à en découdre avec le pouvoir ou s'il s'agit seulement d'une «pression» sans lendemain, comme ce fut le cas lors de la fraude massive des élections communales de 1997. Wait and see.