Blida la rose, la citadine, la turque ou bien l'andalouse… mais jamais l'amazighe. Cette région, comme les autres régions du pays, possède un riche patrimoine berbère, mais qui est en voie de disparition faute d'une prise en charge. Aujourd'hui, le parler berbère de Blida n'existe presque plus dans le paysage de l'oralité. Seules les appellations de certains lieux, notamment des douars situés sur les hauteurs de Blida, gardent leur connotation berbère. Tifraouine, Tighir Oudhra, Alaghouazrou, Tighelmamine, Ighil Ali (à ne pas confondre avec une localité de Béjaïa), Tizeghouine, Izerouchen, Thala Ilef ou Thala Izid… sont autant d'anciens douars et dont la toponymie est plus que révélatrice. Il s'agit bien d'endroits où l'on ne parlait que le berbère et qui ne sont situés ni à Tizi Ouzou, ni à Béjaïa, encore moins à Bouira, mais sur les hauteurs de Blida. Très parlé pendant des siècles dans la région, il s'est reculé à partir des années 1950. En pleine révolution nationale, des villages ont été brûlés et bombardés et leurs habitants ont été forcés alors de quitter les lieux pour aller vivre dans les villes. Les rares familles qui ont regagné leurs terres après l'indépendance ont été aussi contraintes de laisser tomber leur village à cause de l'insécurité qui y régnait pendant les années 1990.Résultat : le brassage de la population des montages de l'Atlas blidéen, qu'il soit de la tribu de Beni Salah, Beni Misra ou Ghellaï, entre autres avec la population des villes, a porté un coup fatal à tamazight de Blida. Net recul du berbère à Sidi El Kebir Situé à moins de 4 km de la ville de Blida, le quartier Sidi El Kebir abrite quelques familles qui continuent à parler le «patois local». «Notre tamazight est pur. Lorsqu'on commence à le parler, on n'utilise jamais de termes en français par exemple. En Kabylie, plusieurs termes ont disparu à cause de la francisation du kabyle», déclare fièrement Abdelkader Boudjen, un berbérophone de 60 ans. Il regrette toutefois que les moins de 40 ans à Sidi El Kebir connaissent très mal tamazight, pour ne pas dire qu'ils l'ignorent carrément. «Notre tamazight disparaîtra totalement avec le décès des vieux de la région. Dernièrement, on a perdu Yemma Kheddoudja, une vieille de 90 ans qui ne parlait que le berbère. Elle a emporté avec elle toute une encyclopédie de notre patrimoine. Malheureusement, les officiels ne font rien pour le sauvegarder en l'absence de mouvements associatifs réservés à cet effet», a-t-il ajouté. Notre interlocuteur nous fera savoir que tamazight de Blida a plusieurs similitudes avec le kabyle. «Je comprends parfaitement le kabyle, mais presque rien du targui et du mozabite par exemple», a-t-il insisté. Le défi de l'association Imedyazen Omar Mouffok, lexicologue et secrétaire général de l'association Imedyazen (poètes), dont le siège est à Alger, s'implique de plus en plus pour sauvegarder tamazight à Blida. «L'absence d'élites auprès de la rare population berbérophone de Blida ne fait qu'aggraver la situation», a-t-il regretté. Et de poursuivre : «Nous essayons, en tant qu'association, de faire de notre mieux pour préserver ce riche patrimoine. Dans ce sens, on prépare la rédaction d'un dictionnaire de tamazight de Blida. On commence par l'enregistrement des rares personnes qui continuent à le parler afin d'avoir un maximum de vocabulaire et son sens. Nous comptons aussi éditer un dictionnaire spécial toponymie de la région, qui est à 80% berbérophone. Nous souhaitons surtout l'implication de la radio locale et de l'université de Blida afin que chacun joue son rôle.» Contacté, Hakim Menguellat du département de français de l'université Saâd Dahleb de Blida nous a informé qu'il envisage de créer un département de tamazight à Blida, mais cela reste tributaire de l'implication des universitaires du domaine, notamment ceux activant aux universités de Kabylie.