L'Union des organisations islamiques de France (UOIF) multiplie initiatives de tous genres et visibilité médiatique. Est-ce pour se racheter après une image de mouvement radical et intégriste ? Pour se poser comme interlocuteur nécessaire et indispensable de la communauté musulmane de France ? Pour doubler la Mosquée de Paris et le courant modéré qu'elle incarne ? L 'organisation radicale proche des Frères musulmans devient de fait un interlocuteur officiel de la République française. La République française ne prend-elle pas un risque ? L'UOIF a-t-elle revu à la baisse son idéologie ? Elle fait les plateaux de télévision, adopte un discours modéré, rencontre le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) après avoir fait partie de la délégation du CFCM dont elle occupe la vice-présidence qui s'est rendue à Baghdad pour demander la libération des journalistes français. Une rencontre officielle a eu lieu jeudi soir entre les dirigeants du CRIF et ceux de l'UOIF. Cette rencontre, bien qu'esquissée à la mi-juin, tombe bien pour l'UOIF. En janvier 2003, un premier contact, qui n'avait pas été rendu public, avait eu lieu sous l'égide du ministère de l'Intérieur. Le 13 juin, El Kabbach recevait sur Europe 1 le président du CRIF, Cukierman, et Fouad Alaoui, le secrétaire général de l'UOIF. « L'affaire des otages va se traduire par une espèce de remise à plat des rapports de force à l'intérieur des organisations qui disent représenter l'islam en France », signale Gilles Kepel (El Watan du mardi 6 septembre). La cohésion entre les principaux courants du CFCM dans l'affaire des otages était-elle profonde ou alors simplement conjoncturelle ? La prise d'otages français apparaît comme un catalyseur des luttes d'influence au sein du CFCM et de l'ambition de l'UOIF de se faire le véritable représentant des musulmans de France. L'islam radical, politique, nouvelle version, veut prendre le pas sur l'islam modéré dans la représentation officielle des musulmans de France, la représentativité étant loin d'être acquise. La majorité silencieuse qui pratique un islam paisible et qui ne fréquente pas forcément les mosquées observant le plus souvent la prière à domicile n'est pas écoutée, alors que lorsqu'elle en a l'occasion, comme cela a été le cas dans l'affaire des otages, montre que dans son écrasante majorité elle a parfaitement intégré les valeurs de la République et que sa pratique religieuse est discrète. Face à cette réaction, les responsables de l'UOIF et autres islamistes ont été obligés de monter au créneau. Pour les laïcs, l'opportunité de faire entendre leur voix dans le débat sur la place de l'islam en France et de France leur est rarement donnée. La composition du CFCM, laborieuse, a été un compromis entre la tendance modérée représentée par la Mosquée de Paris minoritaire du fait du mode de scrutin, l'UOIF et la Fédération des musulmans de France. Le président du CFCM, le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubaker, a tenté à plusieurs reprises de démissionner du fait de l'intransigeance des autres composantes, plus particulièrement de l'UOIF, sur nombre de problèmes touchant la communauté, dont le port du voile à l'école. « Des millions de pratiquants ne peuvent être représentés par une poignée de radicaux... L'action de la Mosquée de Paris a été, ces dernières années, contrariée, raillée, dénigrée. Les administrations ont été sourdes à nos demandes », nous affirmait Dalil Boubaker au lendemain des élections régionales du CFCM en avril 2003. Et d'ajouter : « On assiste à l'embrigadement de nos jeunes, avec un véritable réarmement moral, en faisant valoir les failles de l'intégration. » L'UOIF, très active, fait un travail de mobilisation sur les questions de société. Ses militants sont jeunes, instruits et formés au travail d'embrigadement de base. Elle dispose de moyens financiers (argent de fondations saoudiennes entre autres) dont ne dispose pas la Mosquée de Paris. L'UOIF a été le fer de lance de la campagne contre la loi sur la laïcité à l'école. Aujourd'hui, cette organisation cherche à se faire adouber. A-t-elle tiré les leçons de la réaction massive de la communauté musulmane de condamnation de la prise d'otages ? L'affaire du voile est-elle définitivement enterrée ou ne serait-elle que reportée à un autre moment plus important ? Là aussi cette question a montré à quel point elle a été instrumentalisée. Hier, le port du voile était indispensable, car présenté comme « une prescription religieuse » et, aujourd'hui, cette même prescription peut attendre.