Seconde religion dans l'Hexagone, l'islam est fort d'une communauté de cinq millions d'individus. Le ministre français de l'Intérieur et de la Sécurité, Nicolas Sarkozy, mérite, incontestablement, la qualité de troisième personnage de l'Etat qu'on lui prête. Rendu très populaire en raison de son programme rigoureux de lutte contre la délinquance et la criminalité, il vient encore de s'illustrer en réussissant là où ses prédécesseurs ont failli : réunir tous les musulmans de France autour d'un conseil de culte représentatif. C'est vendredi, en effet, que le locataire de la place Beauvais a gagné ce pari en arrivant, après moult négociations, à un accord avec les responsables de la communauté musulmane portant création d'une instance représentative unique des quelque cinq millions de musulmans vivant sur le territoire français. Bien entendu, l'objectif d'une telle initiative a trait essentiellement à la nécessité de mettre des balises à la pratique de l'islam dans le pays de Robespierre de manière à endiguer la montée de l'intégrisme qui a pris racine dans le terreau de la misère et de l'exclusion des ghettos de banlieue. Dans l'ombre des mosquées officielles, d'innombrables lieux de prière clandestins, souvent domiciliés dans les caves des immeubles HLM, ont proliféré. Dans certains cas, ils ont fabriqué, à l'instar de Zacarias Moussaoui, des terroristes qui sont partis ensuite faire leurs armes dans les montagnes d'Afghanistan. Dans d'autres, ils ont abrité, et continuent sans doute à le faire, des réseaux de soutien et de collecte de fonds pour le GIA. La situation ne pouvait plus durer, surtout que la sécurité du pays hôte, la France, est en danger. Conscientes, même tardivement de cette menace de l'islamisme de l'ombre, les autorités hexagonales ont tenté de nombreuses fois d'instaurer un dispositif de contrôle en associant les représentants de la communauté à leur démarche. Or, de ce côté-là, les chapelles multiples et divergentes sont connues pour avoir des relations conflictuelles. Quand il était ministre de l'Intérieur, Jean-Louis Debré avait initié un dialogue avec les différentes organisations du culte musulman — sept fédérations et cinq grandes mosquées. En vain. Les rivalités entre elles ont fini par saborder les discussions. Ses successeurs tenteront la même entreprise, sans pour autant briller. C'est au gouvernement Raffarin que reviendra finalement le mérite d'avoir, grâce à son ministre de l'Intérieur, réussi à rassembler autour d'une même table les frères ennemis. “C'est un accord historique, résultat d'un travail de longue haleine”, a déclaré Sarkozy. Pour cause, cela fait plusieurs mois déjà qu'il s'est attelé à convaincre les représentants de la communauté de la nécessité d'unir leurs rangs. Il y a quelques semaines, le 9 décembre dernier, il a marqué un premier succès en faisant signer un protocole d'accord aux trois plus grandes fédérations : la Mosquée de Paris, sous la mainmise de l'Algérie, la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), appuyée par le Maroc, et l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des frères musulmans. Ce week-end, toujours à l'initiative du ministre de l'Intérieur, elles sont parvenues au fameux accord qui marque leur fusion dans un seul conseil de culte. Elles ont également, avec l'appui des fédérations restantes et six personnalités qualifiées, adopté les statuts de cette institution qui sera dirigée par le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubekeur. Selon des sources, Sarkozy a usé de tout son poids dans cette élection. Toutefois, afin que toutes les sensibilités soient représentées dans le conseil, les deux vice-présidences ont été attribuées aux délégués des deux autres fédérations (UOIF et FNMF). Deux personnalités, le mufti de Marseille Soheïb Bencheikh, ainsi qu'une femme, Betoule Fekkar-Lambiotte, présidente de l'association Terres d'Europe, font partie du bureau. Enfin, s'agissant des règles qui régissent le conseil, il est clairement stipulé que la base, un millier de délégués des mosquées de France, a le droit de sanctionner tout membre du bureau qui ne respectera pas ses orientations . S. L.