Dans un message adressé, hier, au secrétariat national du parti, le leader du FFS appelle à des sanctions «exemplaires» à l'encontre des cadres s'étant rendus coupables d'un travail de sape et de sabotage lors des législatives. Hocine Aït Ahmed, qui use d'un ton inhabituellement ferme, reconnaît ainsi la crise qui couve au sein de la formation depuis des mois et qui a été exacerbée par la participation au scrutin du 10 mai dernier. Hocine Aït Ahmed se résout à reconnaître qu'il y a crise au FFS et qu'il est temps que l'ordre soit rétabli dans ses rangs. Le fait est en lui-même inédit et dénote de la gravité du moment au sein du parti. Dans une «note» adressée au secrétariat national et usant d'un ton ferme qui tranche avec les obligeances épistolaires qui ont marqué jusqu'ici ses échanges avec les instances et les militants, il statue qu'«un certain nombre de mesures doivent être impérativement discutées au sein des instances du parti et donner lieu à des décisions fermes». La crise au sein du FFS est donc bien réelle. C'est son président historique qui l'avoue en parlant de «responsables et de figures importantes», coupables de comportements «indignes» lors des dernières législatives. Tout le monde aura compris que Hocine Aït Ahmed parle de cette contre-campagne qu'auraient menée des cadres pour parasiter, de l'intérieur, tout l'effort entrepris pour convaincre les militants d'abord, puis les citoyens de ne pas bouder les élections et de donner du crédit à la participation «tactique» du FFS. Le message adressé au secrétariat national n'appelle rien de moins qu'à des sanctions «exemplaires» contre les fauteurs de troubles. Quoi de plus exemplaire que des exclusions et des mises au ban, qui, assurément, ouvriront un nouveau cycle de turbulences au sein d'un parti qui en a connu d'autres certes, mais qui affrontera cette fois-ci la situation avec une cohésion pour le moins sujette à caution. Aït Ahmed le sait, du moins théoriquement, et il choisit là la manière forte pour couper court et anticiper sur une amplification de la fronde dont les ingrédients ont couvé avant et durant la dernière campagne électorale et dont les meneurs restent actifs. Le regard va, entre autres, du côté de l'ancien premier secrétaire du parti, Karim Tabbou, remercié en novembre 2011 et remplacé par Ali Laskri, qui n'aurait pas digéré son éviction après cinq ans de bons et loyaux services. D'autres «figures importantes» du parti, tel que l'énonce la note, seraient concernées par le désaveu et les sanctions exigées. On attendra de savoir lesquelles, tant le flou reste entier. Une posture délicate Le schisme a commencé à se creuser depuis longtemps, mais le rendez-vous des législatives l'a consacré. Le parti le «plus vieux de l'opposition», a cette fois étonné son monde en décidant de prendre part aux législatives. Son mot d'ordre justifiant la participation par la volonté de «mettre du mouvement dans le statu quo», par le souci de «réhabiliter le politique», n'a pas été suffisamment décliné en perspectives concrètes pour la base, dont une partie y a vu un revirement philosophique troublant au sommet de la formation. Un choix qui, en outre, n'a pas eu le temps d'être préparé et réellement expliqué, et intervenant à deux mois à peine du rendez-vous du 10 mai, même si le président du parti s'était depuis belle lurette fait à l'idée qu'il ne boycottera pas le scrutin. «Mon opinion concernant cette élection est faite depuis un certain temps. J'ai pourtant tenu à prendre la température au sein du parti et à m'imprégner des délibérations des militants avant de me prononcer», avait écrit Aït Ahmed au conseil national du 2 mars 2012, celui-là même qui avait décidé de la participation. Au-delà des militants et des sympathisants, observateurs et acteurs de la scène politique s'en sont également étonnés, allant même jusqu'à subodorer des «négociations» secrètes avec le pouvoir. C'est dire combien la posture du FFS durant cette phase a été délicate. Elle semble l'être d'autant plus aujourd'hui, au sortir des législatives, même si la note de Hocine Aït Ahmed, sans «autosatisfaction», se félicite d'«une victoire face à l'adversité». Signe des temps, des supputations qui, en d'autres circonstances, auraient paru complètement saugrenues, circulent à la faveur de ce trouble, donnant par exemple le FFS comme probable partenaire du FLN au Parlement, ou fournissant carrément des ministres au prochain gouvernement. Le fait est que le message d'Aït Ahmed, qui consacre les trois quarts de son contenu au problème d'«éthique» au sein de sa formation, et à l'impératif de taire les contempteurs, ne souffle mot sur le scrutin et sa régularité, se suffisant de cette formulation principielle que l'élection s'est déroulée sous «un régime qui se maintient par la force et la violence». Le même registre évasif dans lequel le FFS, depuis l'annonce des résultats, a puisé ses réactions. Aït Ahmed et sa nouvelle direction ont-ils réorienté l'action du parti vers des perspectives que l'on juge prématurées de confier à la base ? Ou le leader du plus vieux parti de l'opposition est-il «mal informé», comme l'a laissé entendre la première réaction au message, et émanant de l'ex-secrétaire fédéral de Béjaïa, un des plus grand fief du parti au niveau national. M. Khalef, sanctionné récemment, soutient selon TSA, qu'il fait partie de 150 cadres ayant signé et adressé un rapport critique à Aït Ahmed sur les «pratiques antidémocratiques» au sein des instances du parti. Le réflexe du rapport est abhorré par le président du FFS, et d'autres cadres l'ont éprouvé à leurs dépens par le passé. Aït Ahmed vient pour la enième occasion de le signifier et pour la première fois publiquement. Il exige que des têtes tombent pour que cela serve d'exemple. Une amputation apparemment nécessaire à l'orée des prochaines étapes.