Demain, on oubliera un instant les vedettes du Festival de Cannes et ce sera au jury des longs métrages de se trouver sous les feux de la rampe avec la proclamation du palmarès sans doute le plus convoité au monde, et, notamment, la prestigieuse Palme d'Or, rêve de tout cinéaste, y compris de ceux qui déclarent ne pas s'en soucier, par superstition, pudeur ou posture intellectuelle. Comme chaque année, chacun y va de ses pronostics, réduisant la manifestation à cette récompense, sans doute sublime, mais souvent surfaite du point de vue de son impact ultérieur. Le 7e art génère forcément (et heureusement d'ailleurs) des points de vue subjectifs auxquels il faut ajouter le poids des conjonctures, la force des tendances et des considérations imprévisibles qui ont parfois provoqué des polémiques et des scandales. La composition du jury n'est pas pour rien dans le choix ultime. Cette année, certains estiment qu'avec Nanni Moretti comme président, le film retenu sur la plus haute marche du festival devrait être lié, d'une manière ou d'une autre, à la crise que connaît le monde. En effet, ce grand acteur, réalisateur et producteur italien est connu pour ses engagements éthiques et politiques et l'on sait le rôle qu'il a joué dans la contestation anti-Berlusconi. Parmi les jurés, on compte aussi Hiam Abbas, la belle et talentueuse actrice et réalisatrice palestinienne, et le Haïtien, Raoul Peck, réalisateur, scénariste et producteur. Leur présence dans cette instance illustre le souci, depuis plusieurs éditions, de refléter la montée en puissance des expressions cinématographiques du Sud dont on compte plusieurs films sélectionnés en compétition : «Après la bataille» de l'Egyptien Yousry Abdallah, «Post tenebras lux» du Mexicain Carlos Reygadas, «In another country» et «L'ivresse de l'argent», respectivement des Coréens Hang Sangsoo et Im Sang-Soo (aucun lien de parenté), et enfin le très japonais «Like someone in love» de l'Iranien Abbas Kiarostami. Mais c'est aussi dans la maîtrise de l'expression cinématographique, dans la qualité esthétique des films et leurs innovations créatrices que les jurés sont appelés à se prononcer. Aussi, entre contenu et forme, le jury doit trancher, toujours douloureusement, souvent dangereusement, car l'histoire du festival a montré qu'il n'a fait que rarement l'unanimité, ce qui est naturel au regard de la multitude des genres, styles et passions que le monde du cinéma abrite, sans compter les intérêts portés par des lobbies puissants financiers ou politiques. Mais la Palme ne doit pas cacher le palmier et le Festival de Cannes est d'une richesse qui va au-delà de la suprême distinction.