-Quarante-huit heures après son annonce, l'accord entre le MNLA et Ançar Eddine est remis en cause. Qu'en est-il au juste ? Toutes les informations faisant état de l'échec de cet accord sont fausses. L'accord en question a été bel et bien signé le 26 mai dernier par l'ensemble des notabilités et des personnalités du MNLA et d'Ançar Eddine. C'est le communiqué qui devait sanctionner cet accord qui a été mal compris. Certaines personnalités ont estimé que les points contenus dans ce communiqué étaient trop importants pour être discutés par la commission qui l'a préparé. Iyad Ag Ghaly (chef d'Ançar Eddine, ndlr) a été absent, il a été dépêché pour expliquer la portée de ce document. Il semble que ceux qui rejettent ce projet appréhendent la notion «islamique» ajoutée à la République de l'Azawad. -Dans son premier communiqué, le MNLA a présenté son combat sous le signe de la laïcité. N'est-ce pas là une remise en cause de ce principe ? Lors des discussions avec les notabilités et les cadres des deux organisations, l'écrasante majorité était présente ; elle a rejeté la laïcité et lui préférait «république islamique» tout simplement parce que notre société est musulmane et, de ce fait, nous n'avons aucun problème avec notre religion qui prône la tolérance et l'ouverture sur le monde. Nous refusons catégoriquement les visions extrémistes et intégristes et nous avons insisté pour qu'Ançar Eddine expurge de ses rangs les éléments d'Al Qaîda. Il est important que le monde sache que nous ne voulons pas instaurer une «khilafat» ou une «imarat» à la taliban, tel que rapporté ici et là. Nous respecterons les droits des uns et des autres et garantirons les libertés individuelles et collectives. -Que comporte l'accord entre le MNLA et Ançar Eddine ? Il y a plusieurs conditions imposées à Ançar Eddine, et qui ont été acceptées. Les plus importantes sont qu'il reconnaisse l'indépendance de l'Azawad et qu'il coupe définitivement toute relation directe ou indirecte avec les groupes d'Al Qaîda, du Mujao ou autres organisations «djihadistes». Il doit également se débarrasser de tout élément impliqué dans des affaires de terrorisme. Il a accepté, mais en contrepartie de l'instauration d'une république islamique, dont les lois seront inspirées de la charia. La réunion se poursuit jusqu'à aujourd'hui (hier) et l'accord final devra tomber tard dans la soirée ou demain. -Pensez-vous qu'Ançar Eddine, qui a dans ses rangs des éléments d'Al Qaîda, puisse accepter une telle option ? Ançar Eddine a accepté cette condition qui est contenue dans l'accord. Celle-ci l'oblige à expurger de son organisation tous les éléments extrémistes recherchés par des pays pour leur implication dans le terrorisme, mais également ceux qui se reconnaissent de l'idéologie extrémiste.De ce fait, nous avons convenu d'une dissolution du MNLA et d'Ançar Eddine pour fusionner à l'intérieur de la nouvelle «république islamique de l'Azawad», où Ançar Eddine pourra se constituer en parti islamiste, comme cela existe dans tous les pays musulmans, à commencer par l'Algérie. -A-t-il accepté de combattre ceux qui l'ont aidé dans la libération des villes de Gao et de Tombouctou ? Il est important de noter qu'en acceptant de se dissoudre pour créer un parti islamiste, c'est qu'il a accepté le principe de l'activité politique. Mieux, lors de la réunion des sages de l'Azawad, les 25 et 26 mai à Gao, tout le monde était d'accord sur le fait que la présence d'Al Qaîda et du Mujao sur le territoire de l'Azawad constituait un danger. Les notabilités leur ont lancé un appel, exigeant d'eux de déposer les armes et de quitter le pays. Nous sommes en train de nous préparer à les combattre à la place du monde. -Une réunion s'est tenue durant deux jours à Tombouctou, regroupant le Mujao et Al Qaîda, pour l'unification des rangs dans l'objectif de peser sur la stratégie du MNLA et d'Ançar Eddine. Est-ce vrai ? Nous avons entendu parler de cette réunion qui aurait regroupé ces groupes terroristes. Ce que nous savons, c'est qu'ils ne se sont pas entendus et ne risquent pas de trouver un accord. Le Mujao a bien été créé après une dissidence avec AQMI. Ils veulent intégrer les rangs d'Ançar Eddine. Nous leur avons répondu qu'ils doivent d'abord libérer tous les otages qu'ils détiennent, notamment les 7 membres de la représentation consulaire algérienne de Gao mais également les autres captifs enlevés au Sahara occidental, déposer les armes, remettre aux pays les personnes recherchées pour leur implication dans le terrorisme et, après, nous discuterons de leur intégration ou non. S'ils refusent, ils doivent quitter les villes et aller, s'ils le veulent, dans un premier temps, vers les montagnes, en attendant leur départ définitif du territoire. -Il y a eu l'annonce d'un conseil provisoire de transition, mais également d'un comité de 40 membres. Peut-on avoir plus de précisions ? En fait, ce comité de 40 membres a été installé avec pour mission de choisir les personnes parmi Ançar Eddine et le MNLA pour être les futurs ministres du gouvernement de transition. Ce dernier sera formé dès la publication du communiqué final portant accord entre le MNLA et Ançar Eddine. Ce gouvernement sera composé de cadres et de personnalités des deux entités, qu'ils soient à l'étranger ou à l'intérieur du pays. -N'avez-vous pas peur que cet accord puisse être entaché d'illégitimité, sachant que des cadres du MNLA le rejettent publiquement ? Les personnalités présentes à la réunion des 25 et 26 mai étaient au début réticentes, mais ont fini par accepter la réalité. Nous combattrons l'extrémisme religieux que nous a légué le régime de Bamako par un islam tolérant et moderne. L'islam de nos ancêtres. Nous devons défendre notre religion de l'intégrisme. Nous gardons l'espoir que les mentalités des contestataires soient plus ouvertes. Ceux qui contestent l'accord ne savent pas que les personnalités que compte Ançar Eddine ne sont pas des extrémistes. Elles ne veulent pas rester uniquement dans le domaine religieux, parce que conscientes qu'elles vivent dans un pays musulman. Elles ont pour objectif de créer des partis politiques islamistes pour participer à la construction du pays. Nous voulons que le monde comprenne que la «république islamique de l'Azawad» n'est pas un émirat des talibans.