Le taux de participation a atteint à Ouargla 45,41% (40,29% en 2007), soit 120 653 votants sur les 264 977 inscrits au fichier électoral. L'abstention et le niveau de vote blanc et nul représentaient indubitablement les principaux enjeux des élections législatives du 10 mai à Ouargla, à l'instar des autres régions du pays. Mais pas seulement, car ce scrutin recelait également un autre enjeu, sans doute moins apparent, mais pas moins déterminant : la capacité des arch (tribus) à mobiliser les électeurs derrière un ou plusieurs candidats - habituellement d'un grand parti - dans une wilaya qui a la particularité d'être le poumon économique de l'Algérie. Tout d'abord, il est intéressant de constater qu'aucun des partis, proclamés gagnants aux élections, n'a obtenu plus d'un siège. Le MSP, qui s'était imposé en 2007 comme première mouvance politique de la wilaya, avec deux sièges sur les six mis en jeu, n'a pas réussi à préserver cet acquis. Il faut dire que les sept sièges impartis à la wilaya en 2012 ont été répartis - équitablement - entre le FLN, l'Alliance Algérie verte (ex-MSP, Ennahda et El Islah) , El Fadjr Jadid , le PNSD, le RND, le MNE et El Karama. Côté chiffres, le taux de participation final a atteint à Ouargla 45,41% (40,29% en 2007), soit 120 653 votants sur les 264 977 inscrits au fichier électoral. Le nombre de bulletins nuls a, quant à lui, dépassé les 15 819, soit au total 104 834 suffrages exprimés, selon les données fournies par la commission de supervision des législatives. En décortiquant les résultats du scrutin, l'on remarque que le FLN a réalisé une remarquable percée, au-delà de toute espérance, dans les communes de Aïn Beïda, Sidi Khouiled, Hassi Ben Abdellah, Hassi Messaoud et Touggourt. Dans ces localités, l'ex-parti unique a créé la surprise en se classant premier, en dépit des divergences profondes et réelles apparues au sein du parti à la veille du scrutin. Pour le parti El Karama, il doit avant tout son siège à l'APN aux électeurs de Rouissat. El Borma est tombée dans l'escarcelle du RND, alors que N'Goussa a fait pencher la balance au profit du candidat du Mouvement de l'entente nationale (MEN). Taibet, Ben Nacer et M'naguer ont, quant à elles, pris option pour El Fadjr El Jadid. Au nord-est de la wilaya, dans l'Oued Righ, l'urne a souri aux islamistes de l'Alliance Algérie verte qui ont glané le plus de suffrages à Tibessbesst, Timacine et Zaouia El Abdia. En portant son choix sur le candidat de la vieille Casbah, au chef-lieu de la wilaya, le PNSD est parvenu à rafler la majorité des suffrages exprimés, «tout en grignotant des voix dans d'autres localités», selon nombre d'observateurs de la scène politique locale. Régression politique Pour Youcef Korichi, P/APW et coordinateur du RND à Ouargla, les résultats du scrutin du 10 mai n'ont pas apporté de grandes surprises, mais plutôt des nouveautés. «A chaque rendez-vous électoral, les trois partis de l'Alliance (FLN, RND et l'ex-Hamas) étaient assurés d'avoir un siège», dit-il, sans détour. La nouveauté réside, selon lui, dans le fait que des partis nouvellement créés, en l'occurrence El Fadjr Jadid et El Karma, puissent, en un laps de temps aussi court, faire concurrence à des formations structurées avec des militants plus ou moins «aguerris». La seule explication possible est que ces deux partis ont puisé dans les «bastions habituels», en jouant sur la fibre régionaliste et tribale pour assurer une base électorale «confortable» aux candidats têtes de liste. «Mis à part les partis traditionnels, les sigles n'ont aucune signification à Ouargla», considère-t-il, renvoyant au fait que l'actuel député d'El Karama est un transfuge du FNA et que celui du MEN n'est autre que le député sortant de Ahd 54. «Les organisations tribales n'ont jamais débouché sur des revendications politiques, cependant leur rôle politique n'est pas négligeable», analyse-t-il. La caution tribale a été aussi déterminante pour l'élection des candidats du PNSD et du MNE. «Si l'on fait un décompte par zone géographique, l'on verra que chaque candidat a été porté par sa propre tribu», souligne M. Koreichi pour qui le tribalisme reflète une réalité complexe, à la fois culturelle, économique et politique. Et de prévenir : «Le tribalisme est un signe de régression politique. Son emprise sur le processus électoral montre clairement l'incapacité des partis politiques à présenter un projet de société ouvert à la société civile dans son ensemble.» Le docteur Abazi estime, pour sa part, que les gens qui se sont rendus aux urnes aspiraient, avant toute chose, à un véritable changement dans la manière de gérer la ville. « Vous me direz que le député est investi d'un mandat national, mais pour ceux qui l'ont porté à l'hémicycle, il doit d'abord s'investir dans l'amélioration du mode de gestion de la cité», explique ce médecin spécialiste en ORL, âgé de 40 ans, à la popularité bien établie. Tout en se disant soulagé du «fort» taux de participation, le député de Ouargla n'avoue pas moins que le recours à l'argent pour acheter les voix des électeurs a été largement testé et de manière anticipée. «Ce sont généralement les membres de la tribu, les plus riches, qui financent la campagne de leur candidat, encourageant du coup la pratique de la chkara», fait observer M. Koreichi. Et d'ajouter : «De nombreux partis s'y sont pris très tôt à travers un travail de proximité intense englobant le porte-à-porte, les zerdas et autres procédés informels. Les meetings n'étaient en fait destinés qu'à donner l'illusion d'une compétition politique.» Sur un autre plan, les zaouïa et les m'achayeck se sont-ils immiscés dans le choix des candidats ? Ont-ils influé sur le cours de ces élections ? «L'influence des zaouïa n'est plus à démontrer, elle est considérable dans le Sud-Est algérien, particulièrement à Ouargla, nous explique un journaliste d'un média public. Certaines de ces zaouïas sont traditionnellement proches du FLN, d'autres ont un penchant pour les partis islamistes dits ‘‘modérés'', mais aucune d'elles n'a donné de consignes de vote en faveur de tel ou tel candidat». Cependant, précise notre interlocuteur, elles ont toutes été «actionnées» pour mener campagne, certes discrètement, en faveur d'une large participation des citoyens aux élections. «Le choix de l'électeur, soumis depuis longtemps à une dépolitisation insidieuse, se fonde généralement sur des paramètres subjectifs et obéit ainsi à la logique de la tribu et du concert spirituel», conclut-il.