Karim R., la trentaine, est un jeune patron de pêche. Sur son sardinier, il est à la tête d'un équipage de dix marins. N'ayant pas eu de case où s'abriter par un temps de pluie, il s'est adossé au mur d'une des quarante cabanes destinées aux pêcheurs d'Azeffoun. Voyant le mauvais temps sévir et le ressac menaçant des vagues, il lance : « Je n'ai pas travaillé depuis cinq jours. A cause d'une panne du système hydraulique, j'ai failli perdre mon filet. Mais heureusement qu'un autre sardinier était de passage et m'a offert son aide. » Karim tient à son filet de 300 m. Et pour cause, « il m'a coûté plus de 115 millions de centimes et l'assurance (110 000 DA, tous risques) ne me le rembourserait pas en cas de perte ». N'ayant pas encore fini de rembourser son prêt bancaire de 360 millions de centimes, il veut éviter « d'autres faux-frais ». Il y a trois ans, Karim avait pu monter un projet dans le cadre du Plan de relance de la pêche. « Des amis m'ont aidé à réunir les 70 millions de centimes en apport personnel. Avec 280 millions de centimes fournis par le fonds public, j'ai acquis un sardinier équipé en 2004. » Mais depuis, les avaries et les pannes se sont succédé, le fixant au port pendant quatre longs mois. Pourtant, « je dois payer des échéances trimestrielles de près de 300 000 DA et un rôle annuel (cotisations sociales) de 100 000 DA », dit-il, avec dépit. Sur le quai, il désigne deux embarcations de pêcheurs qui, comme lui, ont été floués par la qualité douteuse des équipements achetés. « Le bon matériel, il faut l'acheter d'Espagne ou d'Italie », dit-il en regrettant presque de s'être lancé dans une telle galère. « Sans conseil, le même sardinier, vous pouvez le payer du simple au double », s'indigne-t-il en appelant les pouvoirs publics à revoir le seuil de 10% d'apport personnel jugé excessif. Après une formation de 6 mois au CFPA d'Azeffoun moyennant 8000 DA, il est fier d'avoir eu son certificat de capacité qui fait de lui, désormais, un patron de pêche à part entière, après avoir trimé en tant que marin depuis 1992 à Beni Ksila. « Avec une moyenne de 80 sorties par an, il arrive où des mandataires nous proposent de prendre nos sardines à 100 DA la caisse de 22 kilos », tonne-t-il. Et de préciser : « Une caisse vide coûte aussi 100 DA. » Mais pour l'heure, l'urgent pour Karim est de « trouver un bon mécanicien spécialisé pour son système hydraulique, car, je ne veux surtout pas perdre mon filet ! »