Avec le différend entre la Russie et l'Ukraine sur le prix du gaz, l'Europe s'est aperçue que la sécurité des approvisionnements n'est pas une mince affaire et qu'à force de mettre en avant la libéralisation des marchés de l'énergie on peut aussi perdre de vue l'essentiel. La particularité de l'énergie fait en sorte que l'intervention des Etats incluant la garantie des approvisionnements passe quelquefois avant les lois de la sacro-sainte économie de marché. Pour un différend de prix né d'une restructuration géopolitique, mais dont l'aspect commercial se justifiait, l'Europe a failli se trouver en pénurie de gaz. La dépendance de l'Europe vis-à-vis de la Russie, l'Algérie et la Norvège a amené ses dirigeants à décréter l'état d'urgence en la matière et renouer avec le « patriotisme économique ». L'un des effets les plus immédiats a été l'intervention de l'Etat français, pourtant champion de la construction de l'Europe, pour empêcher une OPA de la compagnie italienne Enel sur la compagnie française Suez et à choisir le « patriotisme économique » afin de garder intacts ses atouts. Le fait n'est pas nouveau puisque la compagnie chinoise CNPC a dû abandonner, au mois d'août 2005, le rachat de la compagnie pétrolière américaine Unilocal après l'opposition du Congrès américain. La sécurité des approvisionnements a repris le dessus pour être élevée publiquement parmi les principes relevant de la sécurité nationale. Et parmi aussi les conséquences de la crise, il y a l'accélération par l'ENI de l'augmentation des capacités du gazoduc « Enrico Mattei », avancée de quatre années. La visite du président Poutine à Alger devrait fournir l'occasion aux deux compagnies gazières, que sont Gazprom et Sonatrach, de se concerter vu leur statut de principaux fournisseurs de gaz à l'Europe. Par le passé, elles ont eu à négocier avec l'Europe contre la suppression des contrats gaziers à long terme en menant un travail d'explication qui a duré des années avant que l'Europe ne comprenne le risque d'une pénurie par faute d'investissements. La crise actuelle de l'énergie est en train de favoriser davantage l'intervention des Etats et donne plus de poids au rôle joué par les compagnies nationales.